Maurice Martenot (Paris 1898 / Clichy 1980) est d’abord un musicien, violoncelliste et pianiste formé essentiellement par sa sœur aînée, Madeleine et par des professeurs de premier plan. Pour des raisons familiales, Maurice et sa sœur cadette Ginette, bien qu’adolescents, deviennent très vite de véritables musiciens professionnels.
Maurice est, de plus, un bricoleur impénitent et invente autant qu’il peut les machines les plus diverses. Il est déjà passionné par tout ce qui touche à l’électricité et à la radio. Ayant appris le morse et étant devenu radio-amateur, il se fait affecter tout naturellement aux transmissions pendant la première guerre mondiale. C’est au cours de cette période que font leur apparition dans l’armée les lampes « triodes » et leurs oscillations : entre deux télégrammes à transmettre ou à recevoir, il joue avec ces sons sortis d’un autre monde, qui vont de l’extrême grave à l’extrême aigu et sont d’une pureté inouïe. Pendant la période 1917-1918, les progrès de la radio dans l’armée sont galopants et Maurice Martenot est donc à la pointe de cette technique. Il y restera toute sa vie…
Rentré de la guerre, il poursuit ses recherches et, après bien des essais, arrive enfin à mettre au point un instrument de musique qui soit suffisamment au point pour faire l’objet d’une démonstration publique. Maurice Martenot n’est pas le seul à avoir eu cette idée. De façon tout à fait indépendante, un russe nommé Lev Sergueïevitch Ter men va concevoir en 1919 un des tout premiers instruments électroniques : le Thérémine. Cet appareil a comme particularité qu’on en joue sans le toucher, en déplaçant les mains dans un champ électromagnétique émis par deux antennes. Le Thérémine connait son heure de gloire aux États-Unis et sera présenté à l’Opéra de Paris en 1927.
Genèse de l’instrument
Pendant ce temps, Maurice Martenot travaille d’arrache-pied au perfectionnement de son propre instrument. Et c’est ainsi qu’il réalise le premier modèle susceptible d’être présenté au public. Comme dans le Thérémine, le son provient des interférences entre deux fréquences pour produire une onde se situant dans le spectre des fréquences audibles. Cette onde est amplifiée et transmise à un haut-parleur, élément indispensable à ces instruments qui apparaissent en même temps que le cinéma parlant !
A quoi ressemble cette première version des Ondes Martenot ? On peut s’en faire une idée avec cette photographie du premier concert à l’Opéra du 3 mai 1928. Au piano se trouve la jeune sœur de Maurice, Ginette, âgée alors de vingt-six ans. Maurice tient dans la main droite l’extrémité d’un fil qui aboutit à un parallélépipède qui ressemble beaucoup aux postes de radio de l’époque. C’est là où se fait la production du son. Jusque-là, il n’y a rien de nouveau par rapport au Thérémine. Mais de sa main gauche, Maurice appuie sur ce qui va devenir, dans le langage des ondistes, la « touche », qui permet de faire varier l’intensité et l’attaque du son. Ces deux paramètres changent en fonction de la vitesse et de la profondeur de l’enfoncement de la « touche ». Maurice a utilisé, pour cette sorte de « potentiomètre » un système à mercure qui va lui donner bien du souci… Derrière Maurice, on aperçoit le haut-parleur.
Très vite après la démonstration à l’Opéra, Maurice va mettre au point ce qui deviendra l’un des « secrets » de l’instrument : la fameuse poudre contenue dans un sac de peau que la « touche » comprime plus ou moins. Comme avec le système à mercure, l’élasticité de la touche est assurée par un ressort. Si nous insistons autant sur la touche, c’est que c’est dans ce domaine que l’instrument de Martenot diverge le plus du Thérémine qui ne connaîtra, au cours de son développement que des améliorations de détail. Maurice, quant à lui, sera toujours à la recherche de la plus grande variété possible dans la maîtrise des différents paramètres du son. Tant par des circuits électroniques (filtres divers) que par la mise au point de nouveaux diffuseurs, il va permettre à son instrument une variété de timbres, d’attaques, de résonances qui le différencient absolument du Thérémine. C’est aussi ce qui fera que l’Onde Martenot va connaître très vite un développement qui culminera notamment par la présence de l’instrument à l’Exposition Universelle de 1937 à Paris.
Le concert à l’Opéra est (malgré des émotions de dernière minute, notamment à cause du passage du courant continu au courant alternatif de Paris !) un véritable triomphe puisque, dès l’entracte, la maison Gaveau fait à Maurice Martenot des offres de fabrication en série de l’instrument. Mais le musicien refuse : ce n’est encore qu’un instrument en gestation.
Un deuxième concert a lieu le 18 mai 1928, qui suscite un enthousiasme international. Martenot est invité partout, : Bruxelles, Utrecht, Londres, Zurich, Berlin… Mais c’est un journal allemand qui pointe le mieux l’aspect spécifique de l’instrument de Maurice : le Deutsche Allgemeine Zeitung écrit : « Thérémine est un physicien-musicien, Martenot est un musicien-physicien. » (1)
L’instrument se perfectionne
En 1929, les tournées continuent, ce qui n’empêche pas Maurice Martenot de poursuivre le perfectionnement de son instrument. Il avait une oreille extrêmement fine et ne supportait pas qu’on jouât faux (ce qui arrive fréquemment avec un Thérémine !). C’est pourquoi, après avoir doté son instrument d’un clavier simplement dessiné, il le munit très vite d’un clavier réel muet, servant seulement de point de repère. Le fil ténu qui servait à régler la hauteur du son est désormais remplacé par un « ruban » métallisé muni d’une bague et qu’on positionne devant le clavier fictif, ce qui contribue grandement à la justesse du jeu.
Enfin, entre 1931 et 1932, Maurice Martenot dote son instrument d’un véritable clavier, qui possède une particularité tout à fait spécifique : il se déplace latéralement ! Le doigt posé sur une touche va pouvoir opérer un véritable vibrato, non pas d’intensité, mais de hauteur (de fréquence), comme sur un violon ou un violoncelle. Les Ondes Martenot permettent donc d’obtenir, ce qui unique pour les instruments à clavier, justesse du son et expressivité. Ici, c’est la main droite qui sera à l’œuvre avec le ruban ou sur le clavier expressif tandis que la main gauche jouera le rôle de l’archet : attaque, puissance, crescendo, decrescendo progressifs… grâce aux différents commutateurs présents dans le « tiroir ».
Les principes musicaux de Maurice Martenot
On voit que le clavier de l’onde est bien loin d’un clavier de piano ou d’orgue. Le fil conducteur de la conception de l’onde Martenot se trouve dans la conception même de la musique que Maurice présente en particulier dans ses « Principes Fondamentaux d’Éducation Musicale » (2) à la page 83 :
« Le son que la musique comporte ne représente par lui-même qu’un support qu’on a trop tendance à confondre avec le message qu’il véhicule. Pour nous, le « son musical » n’est pas forcément « musique », il n’est qu’un matériau de plus ou moins belle qualité qui devient seulement musique lorsque l’interprétation lui insuffle une multitude d’impondérables issus d’une poussée créatrice, d’un « influx vital » représentant l’essentiel du message. C’est cela qui constitue finalement cette nourriture énergétique du psychisme que l’enfant recherche d’instinct. […] Ce que nous entendons par la manifestation d’un « influx vital » dans le jeu ne doit pas être confondu avec les nuances. Pour celles-ci, qu’il s’agisse du volume sonore, de variations de tempo, d’accélérando ou de ri tenuto, l’interprète les exprime par une ACTION VOLONTAIRE directe sur l’élément sonore, le plus souvent d’ailleurs en accord avec les indications expressives notées par l’auteur.
Tout autre, mais nullement inconciliable avec les nuances, est l’interprétation résultant d’une audition intérieure « colorée » par des variations d’état affectif. En précédant le jeu instrumental, elle met les gestes sous l’influence d’un « influx vital » qui en transforme subtilement les caractéristiques et par conséquent le son, SANS AUCUNE ACTION VOLONTAIRE DE L’INTERPRÈTE. On peut même dire à son insu. […] On éprouve un instant de ravissement, parce qu’à travers une multitude d’impondérables, le jeu acquiert tout à coup une qualité expressive inhabituelle comme si l’esprit s’exprimait de lui-même, sans passer par toutes les entraves de la matière. »
C’est cette philosophie de la musique qui a toujours guidé Maurice Martenot dans les modifications, les perfectionnements qu’il a pu apporter à son instrument jusqu’à son dernier jour. Maurice Martenot aspirait à construire un instrument qui pourrait traduire intimement et le plus directement possible, la pensée intérieure de l’interprète. Il ne faut jamais oublier ce fil conducteur quand on passe en revue les modifications que, tout au long de sa vie, il a apportées à son instrument. C’est le cas par exemple de la transistorisation qui permet une très grande (trop ?) stabilité des oscillateurs par rapport aux lampes, qu’il fallait réaccorder constamment, même parfois en cours de morceau…
Une personnalité, une pédagogie
On ne peut séparer non plus la facture de l’instrument de l’ensemble de la personnalité de son inventeur. N’oublions pas que, concurremment à la mise au point de son instrument, Maurice Martenot pratique la pédagogie. Certes, ce ne sera pas l’axe principal de son travail jusque dans les années quarante mais il participe très activement à l’école fondée par sa sœur ainée Madeleine et certains « jeux » de la pédagogie Martenot, créés par Maurice, sont développés dès les années vingt (3). Son instrument devra donc être « facile à jouer », non pas en en faisant un instrument au rabais, mais au contraire un instrument permettant une expression pleine de la sensibilité de chacun en supprimant tout effort inutile. Si on prend l’exemple du clavier, celui de l’onde comporte des touches légèrement moins larges que celles du piano pour permettre une plus grande vélocité notamment aux petites mains. L’un de ses soucis était de pouvoir réaliser un instrument d’étude qui ne renierait rien des qualités musicales de l’instrument « de concert » tout en étant abordable pour les petits budgets.
Un autre élément fondateur de la facture de l’instrument était la faculté à être en quelque sorte le prolongement du corps de l’instrumentiste. N’oublions pas non plus qu’il avait été profondément influencé par sa rencontre du violoncelliste russe Youri Bilstine en 1924 lors du congrès de « L’Éducation Nouvelle » qui réunissait des éducateurs, des éducatrices, des médecins, des psychologues et des musiciens dont Youri Bilstine, qui développait une méthode de relaxation et de maîtrise du corps à la fois physique et mentale et qui fut à l’origine de la méthode de Relaxation Active que développa toute sa vie Maurice Martenot et qui faisait partie intégrante de la formation de ses enseignants et instrumentistes.
L’instrument de musique conçu et réalisé par Maurice Martenot est donc en quelque sorte la quintessence de tous ces éléments fondateurs de la personnalité de son inventeur.
De 1928 à 1937, une amélioration en continu…
Entre 1928 et 1931, quatre modèles se succèdent. On pourrait penser que l’électronique amènerait une certaine standardisation. Or, c’est exactement le contraire qui va se passer. Jamais Maurice Martenot n’a réalisé deux instruments parfaitement semblables ! Chaque instrument comporte une modification, une amélioration par rapport au précédent. Et cela n’est pas seulement dû aux progrès techniques de l’électronique : lampes de plus en plus performantes, circuits oscillateurs qui se perfectionnent, passage au transistor … De même qu’il n’y a pas deux violons semblables, il n’y a pas deux « Martenot » semblables. Maurice harmonisait chaque instrument individuellement, modifiait tel circuit, tel réglage… Chaque instrument possède un numéro unique et son schéma propre. Il arrivait même que lorsqu’un instrument était en panne et qu’on le portait à l’atelier pour réparation, lorsque son propriétaire le reprenait, l’instrument avait été non seulement réparé mais modifié sur tel ou tel point. Disons le mot, pour Maurice Martenot, chacun de ses instruments avait une âme.
Polyphonie ou monodie ?
Lorsque l’on dit « clavier », on pense immédiatement « polyphonie ». Or l’instrument de Maurice Martenot reste très volontairement « monodique » : il ne produit qu’un seul son à la fois. Non par impossibilité technique : à la même époque, en 1931, apparaissent les premiers orgues électroniques. En tant que pédagogue et violoncelliste, Maurice Martenot pense d’abord à l’expressivité. C’est donc un instrument monodique qui va participer à la tournée mondiale de 1931.
Le chef d’orchestre Léopold Stokowski, lors de séjours à Paris, avait rencontré Maurice Martenot et découvert son instrument. Il connaissait déjà le Thérémine, ses qualités et ses limites. Il fut conquis par la démonstration du clavier à touches mobiles et proposa à Martenot de venir jouer avec l’orchestre de Philadelphie dont il est le chef. De fil en aiguille, le voyage se transforme en tournée mondiale à partir de décembre 1930.
Tournée mondiale et répertoire
À cette époque, le répertoire de l’instrument est essentiellement constitué de transcriptions ; car, même si les compositeurs contemporains ont immédiatement montré leur enthousiasme pour le nouvel instrument, ils n’ont pas encore écrit pour lui. Seul un compositeur grec, qui connaissait Martenot et avait assisté à la genèse de l’instrument, Dimitri Lévidis, avait composé dès 1928 un Poème symphonique pour onde musicale et orchestre. C’est donc cette œuvre qui fut jouée avec, entre autres, une transcription du quintette en La avec clarinette de Mozart. La tournée se poursuit au Japon, Shanghai, Manille, Saïgon, Singapour, Java (dont le ganelan inspirera Maurice Martenot pour son diffuseur).
Pierre Vellones, médecin renommé et compositeur trop peu connu, se passionne pour l’instrument et écrit en 1930 la deuxième pièce originale pour l’instrument : Fantaisie pour onde et piano. Mais c’est en 1934 avec Split et Vitamines, que le succès arrive et est récompensé par le prix du disque 1935. En 1932, Joseph Canteloube compose Vercingétorix, une œuvre pour chœur, orchestre et Ondes Martenot. Puis un compositeur très connu s’empare à son tour du Martenot : il s’agit de Darius Milhaud. Celui-ci écrit en 1932 une Suite qui fait toujours partie du répertoire et a été souvent enregistrée. Ravel, séduit par la transcription pour quatre ondes de son Quatuor, devait composer pour le nouvel instrument ; malheureusement emporté en 1933 par une maladie neurologique, il ne put mettre en œuvre ce projet.
Par ses possibilités de sons inouïs, l’instrument séduit aussi le cinéma : Abel Gance, Fritz Lang, André Cayate, Julien Duvivier, Marcel Carné, Laurence Olivier utiliseront l’instrument dans leurs films.
En 1935, André Jolivet écrit Trois poèmes pour onde et piano ; il utilisera de nouveau l’instrument pour sa Suite Delphique de 1943.
. Mais il faut surtout signaler les trois œuvres d’Arthur Honegger : Sémiramis en 1933, Jeanne au bûcher en 1935 et Le Cantique des cantiques en 1937.
Lors de l’Exposition Universelle de 1937, Madeleine, Maurice et Ginette Martenot remportent une médaille d’or pour leur « méthode d’enseignement artistique » ainsi que le Grand Prix pour l’instrument. C’est pour cet évènement international que Messiaen compose « La fête des belles eaux » pour un sextuor d’Ondes Martenot (4).
De novembre 1943 à mars 1944, Messiaen écrit les Trois petites liturgies de la présence divine dont la première audition a lieu en avril 1945 avec Ginette Martenot aux ondes. Cette œuvre sera jouée une centaine de fois par les plus grands chefs et dans de nombreux pays, dont l’Argentine et les États-Unis.
L’après-guerre
En 1947 se produit un évènement très important pour la vie et la pérennité de l’instrument : Claude Delvincourt, directeur du Conservatoire National de Musique de Paris ouvre une classe d’Ondes Martenot, qui est tout naturellement confiée à l’inventeur et qui conservera ce poste jusqu’en 1972. À sa suite, Jeanne Loriod puis Valérie Hartmann-Claverie maintiendront l’enseignement de cet instrument au plus haut niveau de l’enseignement musical.
En 1948, André Jolivet compose et crée son Concerto pour ondes Martenot.
En décembre 1949 est jouée la monumentale Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen, dirigée par Léonard Bernstein, avec Yvonne Loriod au piano et Ginette Martenot aux ondes Martenot.
On remarquera qu’après la guerre, Maurice Martenot est en retrait comme interprète : c’est Ginette qui est devenue l’ondiste de référence et la créatrice des nouvelles œuvres. Maurice joue toujours, et ne cessera jamais de jouer mais il n’est plus au premier plan. Il se consacre toujours à la construction et au perfectionnement de son instrument mais donne le meilleur de son temps à son travail pédagogique.
Diffuser le son des ondes…
C’est après la guerre que Maurice Martenot met au point le « métallique ». Il s’agit de prolonger le son par des résonances aléatoires fournies par un « gong », ce gong qui l’avait tant frappé en découvrant le ganelan de Java. C’est un moteur de haut-parleur qui fera entrer ce gong en vibration, au gré des sons fournis par l’instrument.
Un autre « diffuseur » est mis au point peu après : la palme. Née avant-guerre dans l’esprit de l’inventeur en faisant entrer en résonance un piano à la pédale forte enfoncée avec la musique diffusée par un haut-parleur, Maurice Martenot eut alors l’idée de relier un moteur de haut-parleur à une série de cordes accordées entre elles. Il s’en suivait un halo de résonance tout à fait particulier et propre à la palme, qui sera présentée à l’académie des sciences en 1950.
Le Martenot de concert…
En 1953 voit le jour le « Martenot de concert », instrument de six octaves apparentes et de huit octaves réelles. Sur la photo, on voit très distinctement les trois diffuseurs : le haut-parleur classique, la palme au-dessus et à gauche le « métallique ». Ces trois diffuseurs ajoutés aux différents timbres dont Martenot ne cesse d’enrichir son instrument font de celui-ci une source de possibilités expressives qui séduit de plus en plus les compositeurs.
Parmi les plus connus, citons Jacques Charpentier, Antoine Tisné, Tristan Murail, Henri Tomasi, Guy Reibel, Luc-André Marcel, Jacques Bondon, Francis Bayer…
Jeanne Loriod, sœur d’Yvonne Loriod et belle-sœur de Messiaen, commence en 1950 une longue et brillante carrière. Successeur de Maurice au CNSM, elle constitue avec ses élèves des ensembles d’ondes et enregistre de nombreux disques.
En 1968, Françoise Deslogères fonde un trio ondes piano et percussion qui suscite la composition de nombreuses œuvres.
Chanson et cinéma
Concurremment à ce développement dans la musique contemporaine, les ondes poursuivent leur carrière dans les musiques de film et les musiques de scène. Commencée avec la musique de Pierre Vellones pour le film Karakoram de Marcel Ichac en 1936, leur utilisation se poursuit jusqu’à nos jours avec notamment, Le docteur Jivago composé par Maurice Jarre, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Yann Tiersen ou La marche de l’empereur d’Émilie Simon.
Par ailleurs, les Ondes Martenot sont utilisées dans les orchestrations de nombreuses chansons françaises, notamment dans le répertoire d’Edith Piaf, Catherine Sauvage, Bobby Lapointe, Jean Ferrat, Léo Ferré ou Jacques Brel (5). Mais on les retrouve aussi dans les chansons de Radiohead et dans d’autres formations internationales.
Autour du monde
Les Ondes Martenot ont été enseignées au Conservatoire de Montréal d’abord par Jean Laurendeau puis par Estelle Lemire.
Le Japon fait également très bon accueil à l’instrument. Citons tout particulièrement Takashi Harada, pianiste, ondiste et compositeur, formé par Jeanne Loriod, qui a beaucoup composé dans tous les styles, a participé comme ondiste et compositeur à de nombreux films et concerts. Il faudrait mentionner également les ondistes Wakana Ichihashi et Motoko Oya.
Quant à l’Amérique du sud, elle retrouve les ondes Martenot dès 1981 grâce à la présence dans ces pays de Pura Pénichet, ancienne élève de Maurice Martenot et de Sylvette Allart, qui interprète sur l’ensemble du continent les œuvres d’Olivier Messiaen, Arthur Honegger et de bien d’autres compositeurs.
Présence et avenir des ondes Martenot
En 1975, Maurice Martenot a transistorisé son instrument et a continué à le perfectionner jusqu’en ce jour du 8 octobre 1980 où il est victime d’un accident de la route. Il n’aura pas pu voir la création en 1983 de Saint François d’Assise, opéra d’Olivier Messiaen, dont la partition réclame trois ondes Martenot (6).
Bien que commencé plus tôt, la numérisation et l’évolution de l’instrument se poursuit dans les années quatre-vingt-dix, avec, notamment, l’introduction d’un ruban tactile et la fabrication de l’ONDÉA (7),
Les compositeurs contemporains continuent de s’intéresser à l’instrument et écrivent pour lui, tandis que les œuvres anciennes sont régulièrement jouées, notamment grâce à l’action de l’association Ousonmupo (par référence à l’Oulipo de Raymond Queneau) (8) comme le projet « Ondes courtes ».
Un documentaire a été consacré à l’œuvre de Maurice Martenot ; en voici la bande-annonce :
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/64173a8257745
Une présentation rapide de l’instrument en vidéo par Nathalie Forget :
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/64173c513fc51
Un exemple avec une œuvre d’Olivier Messiaen interprétée par Christine Ott :
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/64173cb54eecd
Le site internet de Thomas Bloch, musicien spécialisé dans les « instruments méconnus » comme les ondes, le thérémine ou le glass harmonica ou le cristal Baschet.
https://www.thomasbloch.net/f_ondes-martenot.html
Œuvres et auteurs
AURIC Georges : « La P. respectueuse » (pour ondes Martenot et orchestre)
BERNARD Marie-Hélène : « Action ! » (pour voix, ondes Martenot et son fixe)
BERNSTEIN Elmer : « Concertino » (pour ondes Martenot, harpe et orchestre)
BOULEZ Pierre : « Les poèmes de Char » (pour ondes Martenot, voix et piano)
BUSSOTTI Sylvano : « Due voci » (pour ondes, soprano et orchestre)
CALMEL Roger : « Stabat Mater » (pour ondes Martenot et orchestre)
CHAILLEY Jacques : « Casa Dei » (pour ondes, voix, chœur et orchestre)
CHARPENTIER Jacques : « Suite Karnatique » (pour ondes solo)
CHARRON Damien : « Pour une flopée d’embrassades » (Miniature n° 3 pour 3 ondes)
DEMOULINS Jean-François : « La Boîte à 5 cases » (pour ondes Martenot et piano)
DUTILLEUX Henri : « Trois tableaux symphoniques » (pour orchestre avec ondes)
FOISON Michèle : « Gemme d’étoiles » (pour sextuor d’ondes Martenot)
GREENWOOD Jonny : « Smear » (pour 2 ondes et sinfonietta)
HINDEMITH Paul : « Konzertmusik für ein Trautonium mit Streichorchesters » (pour ondes Martenot et orchestre à cordes)
HONEGGER Arthur : « Jeanne au Bûcher » (oratorio pour ondes, orchestre, chœur et solistes)
JOLIVET André : « Concerto » (pour ondes et orchestre)
KOECHLIN Charles : « Seconde symphonie » opus 196 (pour orchestre avec ondes)
LANDOWSKI Marcel : « Messe de l’Aurore » (pour voix solistes, orchestre avec ondes)
MARTINU Bohuslav : « Fantaisie » (pour ondes, piano, hautbois, quatuor à cordes)
MELIN Laurent : « Ainsi qu’aux plus beaux jours » (trio pour Ondes Martenot, accordéon et percussions)
MESSIAEN Olivier : « Fête des Belles Eaux » (pour 6 ondes Martenot)
MIKALSEN Jan Erik : « Concerto for ondes and sinfonietta » (pour ondes et sinfonietta)
MILHAUD Darius : « L’annonce faite à Marie » (pour 2 ondes et ensemble instrumental)
MURAIL Tristan : « Mach 2.5 » (pour 2 ondes).
OBOUHOW Nicolas : « Chant des sphères » (pour ondes et piano)
SAUGUET Henri : « Symphonie n°4 » (pour orchestre avec ondes)
SCELCI Giacinto : « Uaxuctum » (pour chanteurs, chœur, ensemble avec ondes Martenot)
SCHMITT Florent : « Fête de la lumière » opus 88 (pour ondes Martenot et orchestre)
TOMASI Henri : « L’Atlantide » (opéra-ballet avec ondes)
TOULIER Jean-Pierre : « Petite Etude » (pour ondes Martenot solo)
VARESE Edgard : « Ecuatorial » (pour 2 ondes, chœur ou soliste, ensemble instrumental)
VERIN Nicolas : « Ondas cortadas » (pour Ondes Martenot solo)
WISSON Bernard : « Kyriades » (pour ondes, piano, orchestre à cordes, percussions)
D’après l’article paru dans L’ÉDUCATION MUSICALE [2023]
(1) Cité dans Jean Laurendeau, Maurice Martenot, luthier de l’électronique. Louise Courteau (p. 73).
(2) Principes fondamentaux de formation musicale et leur application – Maurice Martenot. Editions de l’Ile Bleue.
(3) Sur cet aspect de sa vie, voir l’article paru dans l’Education Musicale en mars 2014 (http://www.leducation-musicale.com/newsletters/breves0314.htm#_lien3)
(4) Une version de cette œuvre, enregistrée en 1962 par Jeanne Loriod et cinq autres ondistes figure sur YouTube :
https://www.youtube.com/watch?v=nrYgm5MML58. L’« eau » se trouve à 8′ 06 et à 17′ 06.
(5) On en trouvera une liste, non exhaustive, dans le livre de Jean Laurendeau
(6) Un très bel exemple de l’utilisation des ondes se trouve notamment à la fin d’une intervention de l’ange musicien :
(7) Pour suivre les évènements concernant les Ondes Martenot, on peut consulter le site de la Fédération des Enseignements Artistiques Martenot (FEAM) :
http://federation-martenot.fr/
(8) Pour plus de détails, on peut se rendre sur le site de l’association http://ousonmupo.net/