On voit régulièrement en classe des séances d’art plastique prenant pour base les œuvres de Piet Mondrian. On pourrait facilement penser que ses constructions géométriques sont là pour symboliser sa vision de l’entrecroisement des rues de New-York et que, par conséquent, on pourrait rapprocher son art de celui des musiciens de jazz de son époque. Il se trouve cependant que Mondrian avait une conception plus futuriste (et même en avance sur ce qui était technologiquement possible à son époque), plus abstraite et presque dogmatique de sa peinture et de l’art en général.
Musicalement, ses tableaux sont plus à rapprocher des pionniers de la musique électronique que sont Pierre Schaeffer et Karlheinz Stockhausen que des compositions de Thelonious Monk ou de Charlie Parker.
Mondrian pensait que la musique, comme sa peinture, devait s’éloigner du son de la nature et de l’homme, pour atteindre une universalité, une « minéralité », un contrôle total de ce qui est produit, en bannissant totalement la subjectivité, l’interprétation, le geste accidentel et particulier qui fait l’individualité de l’auteur « classique ».
Des sons, des bruits se succédant de manière continue, sans symétrie, sans répétition, voilà une conception anti-romantique de l’art dont la stricte froideur géométrique mène à l’épure. On retrouve les mêmes conceptions immédiatement après la seconde guerre mondiale dans la musique acoumastique de Pierre Schaeffer, qui ne nécessite aucun interprète car tout y est enregistré, gravé sur des disques vinyles dont « les samples » (comme on dirait aujourd’hui) s’enchainent avec une rigueur mécanique, ne laissant aucune place au hasard.
La technologie le permettant, Stockhausen, Xenakis ou encore le groupe Kraftwerk (qui a poussé l’automatisation jusqu’à se faire remplacer en concert par des robots) pour ne citer que ces trois-là, ont mis en application les fulgurances abstraites de Piet Mondrian.
Alors, bien sûr, ces œuvres, comme celles de Mondrian avant-guerre, restent difficiles d’accès, même pour nous, cinquante après leur création, mais, replacées dans un certain contexte et écoutées dans un environnement mental et physique particulier, elles nous transportent dans un autre univers et c’est déjà, par cela même, une belle réussite !
Edgard Varèse : Ionisation (1933)
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Stockhausen : étude 2(1954)
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Xenakis : diamorphoses (1957)
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Kraftwerk : the robots (1978)
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