Histoire des Arts - Nature morte

Nature morte

Peter Binoit | Musée des Beaux Arts de Mulhouse, (Photographie Jean-Jacques Freyburger)
Peter Binoit, Nature morte, Huile sur cuivre

Peter Binoit Peintre allemand d'origine néerlandaise (Cologne v. 1590-1593 – Hanau 1632). Membre d'une famille de protestants réfugiés en Allemagne et rassemblés à Francfort-sur-le-Main et à Hanau, Binoit se spécialisa dans la peinture de fleurs et de natures mortes. Sans doute se forma-t-il chez Daniel Soreau, dont il épousa la nièce en 1627. Son plus ancien tableau connu est daté de 1611. Dès avant 1627, le peintre devait se fixer à Hanau, mais il était aussi actif à Francfort, comme le prouve le Bouquet de fleurs dans un vase de porcelaine, daté de 1620 (Musée de Darmstadt, ci contre).

Sa production comprend essentiellement des Vases de fleurs, des gerbes très construites, à la manière de Beert et de Bruegel de Velours, des Corbeilles de fruits avec des oiseaux picorant le raisin, et des Repas où les objets rappellent souvent ceux de Flegel et où réapparaît fréquemment le motif central d'une carcasse de poulet (Stockholm, Nm ; Louvre ; musée de Groningue), comparables aux productions si voisines d'un Beert, d'un Jacob Van Es ou d'un Floris Van Schooten. Binoit reste, à l'instar de ces derniers artistes, attaché à un stade encore archaïque et comme maniériste de la nature morte, où priment le sens décoratif et une tendance à l'étalement énumératif des objets sur un plan presque vertical, qui gauchit nettement la perspective. Du moins ce premier réalisme mènet-il à travers son insistance (chaque motif est décrit pour lui-même) à la découverte de la poésie propre aux objets.

Peter Binoit | Musée, Darmstadt
Peter Binoit, Bouquet de fleurs

Peintre de natures mortes et de fleurs. Fils de Jacques Binoit, tournaisien émigré à Cologne à la suite des guerres de religions dans les Pays-Bas espagnols. Il est formé à Hanau par Daniel Soreau, un membre de la colonie d'artistes wallons établis pour les mêmes raisons religieuses dans cette petite ville. En 1610, il est mentionné à Francfort, en qualité de bourgeois et de peintre. En 1627, il épouse à Hanau Sarah Soreau, la nièce de son maître. Binoit relève de l'école des Pays-Bas par son ascendance, sa formation et son style apparenté, surtout, à celui de Clara Peeters, et de l'école allemande par son lieu de naissance, les étapes de sa vie et ses affinités stylistiques avec Georges Flegel. Binoit se distingue par des natures mortes narratives, objectives, quelquefois enjolivées d'un détail pittoresque. Ses vases de fleurs archaïques par leur désaccord dans la mise en perspective de la table et du bouquet, sont personnels et séduisants.

Cette œuvre peinte sur cuivre nous invite au voyage, à l’exotisme. Les fruits sont disposés dans une coupe en porcelaine probablement de la Compagnie des Indes. Elle laisse apparaître des motifs bleus sur fond blanc, propres à la céramique japonaise. Elle est décorée à l’intérieur et à l’extérieur. Certains fruits sont reconnaissables ; il s’agit de citrons, de grenades, de poires, et d’oranges. Certains fruits présentent quelques feuilles attachées à leur tige. Une grappe d’oranges est déposée sur la table, comme un rameau fruité. Un citron et une grenade sont présentés « ouverts » devant la coupe de fruits.

Peter Binoit | Musée des Beaux Arts de Mulhouse, (Photographie Jean-Jacques Freyburger)
Peter Binoit, Nature morte, détail

Le citron présente une découpe franche, la grenade vient d’être ouverte. Ces fruits sont offerts, et ne demandent qu’à être goûtés. Une coupe en or ciselé recueille des sucreries blanches dans son creux. Des oiseaux exotiques, des petits perroquets sont installés de part et d’autre du bord de cette coupe. Un oiseau plus grand est agrippé au bord de la céramique japonaise. Les animaux étaient représentés au même titre que les objets dans les natures mortes. Ils attestent d’une appartenance sociale privilégiée du maître des lieux. Cette nature morte est un portrait, les objets sont métaphoriques de la posture et de ce que le propriétaire, ou le donneur d’ordre (tableau de commande) veut donner comme image. Le fond de l’œuvre est indéterminé. Les lignes de composition convergent du bas vers le haut du tableau de manière oblique pour former un triangle. Deux ellipses formées par la coupelle en or et la coupe en porcelaine se font face. Les oiseaux occupent de manière « symétrique » le bord droit et gauche du tableau. Les couleurs utilisées sont chaudes, les fruits comme les oiseaux arborent les mêmes couleurs.

Définition et genre

L'expression nature morte désigne un sujet constitué d'objets inanimés (fruits, fleurs, vases, etc.) ou d'animaux morts, puis, par métonymie, une œuvre (en peinture ou en photographie, etc.) représentant une nature morte.

En Flandre vers 1650, apparaît le terme stilleven pour des « pièces de fruits, fleurs, poissons » ou « pièces de repas servis », ensuite adopté par les Allemands (Stilleben) et par les Anglais (still-life) qui se traduirait par « vie silencieuse ou vie immobile ». En Espagne, l'expression pour parler des natures mortes est bodegones.

L’expression « nature morte » apparaît au XVIIIe siècle. Diderot, dans ses Salons, parle de « natures inanimées ». Au Moyen Âge, la nature morte telle qu'on la connaissait disparaît à cause de l’hégémonie catholique. On peint la chrétienté. On peint des objets symboliques. au seizième et dix-septième siècle, la nature morte prend tout son essor en Flandre et en Hollande; au nord on se consacre à la peinture bourgeoise et au sud aux œuvres religieuses.

Peter Binoit | Musée des Beaux Arts de Mulhouse, (Photographie Jean-Jacques Freyburger)
Peter Binoit, Nature morte, détail

Au dix-huitième siècle, la représentation d’objets occidentaux passe du symbolisme à l’esthétisme et vice-versa. Au dix-neuvième siècle, Delacroix saura se différencier des autres peintres de nature morte. Ces peintres feront valoir à leurs yeux l‘art et la science. La valeur symbolique de l’objet se perpétuera selon les époques et deviendra une constante mathématique de la peinture française. Un outil sur lequel on peut se baser pour mesurer le degré d’évolution de la société, de la culture, de la religion... Au dix-neuvième, puis au vingtième siècle, on peint des choses de la vie courante contrairement à la période néo-classique (grosso modo la période 1700 à 1850) où l’on peint des objets de l’Antiquité romaine et grecque. Au dix-neuvième siècle, 1839, la photographie remplace peu à peu la peinture. L’appareil photographique est accessible. Nous n’avons pas besoin du talent du peintre pour reproduire l’objet, l’appareil photos le fait pour l’homme.

Conception et mise en œuvre

  • Jean-Jacques Freyburger, Conseiller pédagogique en Arts visuels
  • Cyrille Saint Cricq, Responsable des Ateliers Pédagogiques d'Arts Plastiques de la Ville de Mulhouse

Haut de page  ↑