Des artistes contemporains

Des carnets de bord, souvent présentés comme des autofictions, donnent à voir des vitrines dans lesquelles les artistes présentent des objets, des photographies, qui mettent en scène des tranches de vies, des instantanés.

Christian Boltansky

Christian Boltansky
Christian Boltansky

Après une adolescence sans scolarité régulière et sans avoir véritablement reçu de formation artistique traditionnelle, Christian Boltanski commence à peindre en 1958. Les tableaux qu'il réalise alors sont de grands formats, représentant des scènes historiques ou, parfois, des études de personnages isolés, dans des situations macabres, par exemple dans des cercueils.

A partir de 1967, il s'éloigne de la peinture pour expérimenter d'autres modes d'expression, comme la rédaction de lettres ou de dossiers qu'il envoie à des personnalités du monde de l'art. Pour les constituer, il utilise des photocopies qu'il mêle à des documents originaux ou à des photographies qu'il tire des albums de sa famille. A travers ces nouveaux matériaux, il intègre à son œuvre des éléments issus de son univers personnel, au point que sa biographie devient l'une de ses principales thématiques.

En effet, sa vie et son œuvre se confondent, mais non pas dans le sens du sacrifice romantique où l'œuvre se fait aux dépens de la vie, mais dans le sens où l'œuvre est l'invention d'une biographie faussée et présentée comme telle. Boltanski reconstruit des épisodes d'une vie qu'il n'a jamais vécue, en utilisant des objets qui ne lui ont pas appartenus ou des photographies retravaillées. Il rédige même une sorte de biographie officielle, en 1984, pour le catalogue de la rétrospective que lui consacre le Musée national d'art moderne. Il la fait démarrer au moment où sa vocation artistique s'impose à lui : « 1958. Il peint, il veut faire de l'art. 1968. Il n'achète plus de revues d'art moderne, il a un choc, il fait de la photographie, blanche et noire, tragique, humaine … ». Par cette initiative, le genre hagiographique et convenu des notices habituelles est tourné en dérision, tandis que le lecteur est convié à repenser le sens que prend toute vie dès lors qu'on la considère d'un point de vue rétrospectif.

C'est pourquoi l'expression de « mythologie individuelle » qui intitulait une section d'exposition à laquelle il participait en 1972 caractérise si bien son œuvre : il y raconte sa vie sous la forme d'une fiction dans laquelle chacun se reconnaît. Comme il le dit lui-même : « Les bons artistes n'ont plus de vie, leur seule vie consiste à raconter ce qui semble à chacun sa propre histoire ».

Christian Boltanski est aujourd'hui reconnu comme l'un des principaux artistes contemporains français. Il vit et travaille à Malakoff.

Christian Boltansky : Vitrine de référence 1971
Christian Boltansky : Vitrine de référence 1971

Dans le prolongement des thèmes de la reconstitution de la vie et de l'autobiographie de l'artiste, Christian Boltanski réalise plusieurs vitrines où il expose des objets personnels comme des reliques ou des éléments issus de fouilles archéologiques témoignant de civilisations perdues. Avec ces œuvres, Boltanski parodie notamment le Musée de l'Homme, lequel, dit-il, l'a beaucoup marqué : on y voit, dans des vitrines un peu poussiéreuses, des objets à l'origine sans vocation esthétique, des objets qui sont des documents plutôt que des œuvres, des objets auxquels le musée a retiré leur valeur d'usage. Christian Boltanski définit d'ailleurs les musées comme « des lieux sans réalité, des lieux hors du monde, protégés, où tout est fait pour être joli ». Ce sont des lieux hors du monde de l'action, ni réels, ni irréels, et qui communiquent cet étrange statut aux objets qu'ils renferment.

En présentant quelques-uns de ses effets personnels dans une vitrine, l'artiste applique à sa propre vie ce processus à la fois conservateur et mortifère.

Sophie Calle

Sophie Calle
Sophie Calle

Sophie Calle ou l'art de "se raconter" et de raconter les autres. C'est au cours d'un périple amoureux aux Etats-Unis que commence sa carrière artistique bien que celle-ci déclare avoir été définie comme "artiste" par le responsable de la Biennale de Paris en 1979, Bertrand Lamarche-Vadel.

Aux Etats-Unis, à Venise puis en France, Sophie Calle trouvera mille et un procédés pour narrer sa vie, "ses histoires" et finalement celles des autres. Invitant amis et inconnus, elle les photographie endormis dans son lit ; elle file des passants et prend des photos à la volée en véritable investigation de l'intime anonyme.

Sophie Calle
Sophie Calle
L'hôtel
1981 ;
La photographe s'est fait embauchée comme femme de chambre dans un hôtel et en profite pour photographier les effets personnels des clients.

Dans les années 1980, on la voit faire du strip-tease à Pigalle mais aussi être femme de ménage dans un hôtel pour mieux épier et photographier les effets personnels des clients. Jouant sur l'ambiguïté réalité-fiction, Sophie Calle étale sa vie entre performances et romans et aboutit finalement à une démarche d'art narratif dans lequel se mêlent fétichisme, représentation et voyeurisme.

En 2003, le monde de l'art lui rend hommage par le biais du centre Pompidou qui lui consacre une rétrospective. 2007, Sophie Calle représente la France à la Biennale de Venise au cours de laquelle elle présente "Prenez soin de vous", une installation mise en espace par l'artiste Daniel Buren.

L'année suivante, la Bibliothèque nationale de France met à nouveau cette exposition à l'honneur pendant plus de deux mois, pour la faire découvrir au public français. Invitée pour la première fois au Festival d'Avignon en 2012, elle n'a peur de rien et présente "Rachel, Monique", un film de 11 minutes sur les derniers instants de vie de sa mère.

Le même été, aidée de la caméra de Caroline Champetier, Sophie Calle évoque de façon magistrale des gens qui voient la mer pour la première fois dans son exposition "Pour la première fois et la dernière fois" aux Rencontres d'Arles. En 2013, elle expose une nouvelle fois pour le Festival avec une première en France intitulée "Chambre 20".

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