Cette mosaïque de table provient d'un triclinium de jardin à Pompéi et était exposée dans la Maison du Collège des Architectes de Pompéi, dite Maison des Maçons.
Le thème est d'origine hellénistique. Le crâne est suspendu par un fil à plomb à une équerre, l'instrument antique des maçons, qui ferme la composition comme le ferait le fronton d'un temple. Le mosaïste n'avait probablement jamais vu de crâne humain puisqu'il le représente avec des oreilles et une bouche souriante bien curieuse.
Sous ce crâne, la roue de la Fortune tourne éternellement après le passage de Némésis, tandis que l'âme - le papillon - s'envole et quitte le corps. Némésis, déesse grecque de la vengeance, fille de la Nuit, représente la justice distributive et le rythme du destin. C'est elle qui châtie les Mortels qui vivent dans un excès de bonheur. Elle est évoquée ici par la Roue de la Fortune qui figure le plus souvent à ses pieds.
À droite sont accrochés le bâton et la besace des vagabonds et des philosophes mendiants (comme Diogène le Cynique), emblèmes de pauvreté ; à gauche, un sceptre entouré du ruban royal en laine blanche - le diadème - est suspendu avec une pièce d'étoffe pourpre, symboles de richesse et de pouvoir.
L'équerre, appareil égalisateur du maçon qui sert à mettre à niveau ses constructions, met symboliquement sur le même plan le bâton du mendiant et le sceptre du roi.
Dans ce Memento mori très explicite, le mosaïste oppose la mort représentée par le crâne à l'âme figurée par le papillon, toutes deux arbitrées par le destin (la roue de la fortune). La fonction de cet emblema était de rappeler concrètement la fugacité du bonheur terrestre et l'idée de mort aux convives : il ne s'agit pas de craindre la mort, mais de jouir de l'existence terrestre, si éphémère soit-elle, en pleine connaissance de la brièveté de la vie, reprenant l'idée du Carpe diem d'Horace.