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KERITY
LA MAISON DES CONTES
Résumé du film
Direction le village de Kérity, en Bretagne, pour Natanaël, bientôt 7 ans, sa grande sœur Angélica et leurs parents. Éléonore, la grande tante des deux enfants qui avait l’habitude de leur lire des contes, est décédée et ils ont décidé de profiter des vacances pour retourner dans sa grande maison.
Là-bas, ils découvrent qu’elle a légué deux cadeaux aux enfants : une poupée pour Angélica et la clé d’une mystérieuse pièce où nul ne pouvait entrer pour Natanaël. Mais, cruelle déception, elle ne referme qu’une multitude de livres, et le petit garçon ne sait toujours pas lire et peine à déchiffrer les mots. Il comprend néanmoins que les minuscules personnages qui peuplent les ouvrages de la vieille dame prennent vie et qu’ils sont en danger. Persuadés que le petit garçon est l’élu envoyé par Éléonore et qu’il pourra les sauver, ils veulent lui faire lire une formule magique mais tous sont illettrés. Déçue et mécontente d’être mise à l’écart, la fée Carabosse le rapetisse.
Et alors que les ouvrages sont menacés d’être séparés et vendus, Natanaël, Alice, le lapin blanc et l’ogre vont partir à l’aventure pour sauver ce petit monde.
Pourquoi ce film a été choisi
Par Marine Quinchon
Face à l’avalanche de films pour enfants, tous plus ambitieux les uns que les autres, qui envahissent les écrans depuis le début des années 2000, Kerity pourrait faire figure d’enfant pauvre. En effet, le film est en 2D, n’utilise aucun procédé d’animation particulier et s’appuie sur un pitch a priori un peu faible… Et pourtant, il offre un style et une personnalité, qui méritent tout à fait le détour. Car, pour une fois, un dessin animé prend le parti de représenter non pas un fantasme d’enfant hyperactif qui s’avérera posséder un don, mais un enfant ordinaire, dont le principal problème (outre le fait d’avoir une sœur intelligente, et donc un peu casse-pieds !) est qu’à la fin du cours préparatoire, il ne sait toujours pas lire. Toute l’intrigue en découle.
Pourtant, le film est assez subtil pour ne pas verser dans la simple pédagogie. Une véritable histoire se développe, truffée de petites péripéties, rarement spectaculaires mais extrêmement réalistes, qui sauront toucher les enfants comme leurs parents. Devenu minuscule, le petit héros fait face à un crabe, un bébé, une pente raide, avec la même détermination, mêlée d’une angoisse bien compréhensible. Aussi le film se met-il virtuellement à hauteur humaine, comme un enfant reconnaît dans les histoires sa propre expérience. Visuellement et narrativement, ce récit tient plus des magazines de Bayard Presse que du Journal de Mickey, en ce qu’il s’inscrit dans un vrai cadre social et s’approprie les problèmes d’un enfant “normal”. Le charme agit, grâce à un rythme enlevé, une vraie attention à la psychologie du héros et des situations qui évitent toute niaiserie.
Générique
Film de Dominique Monféry, France, Italie, 2009, 80 minutes
Scénario : Anik Le Ray et Alexandre Révérend (d’après un scénario original d’Anik Le Ray)
Création graphique : Rebecca Dautremer
Musique de Christophe Héral
Produit par Clément Calvet
Une coproduction Gaumont-Alphanim, La Fabrique, Lanterna Magica
Les personnages et leur voix : Arthur Dubois (Natanaël), Jeanne Moreau (tante Éléonore), Stéphane Flamand (Angélica), Denis Podalydès (le père), Julie Gayet (la mère), Pierre Richard (Adrien), Prunelle Rulens (Alice), Chilly Gonzales (l’Ogre), Lorànt Deutsch (le Lapin), Liliane Rovère (la fée Carabosse)
Un film primé
Sorti sur les écrans en décembre 2009, Kérity a obtenu une mention spéciale au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2010. Plusieurs acteurs importants ont accepté de collaborer aux voix du film. On retrouve en particulier Jeanne Moreau, Pierre Richard, Denis Podalydès, Julie Gayet ou le jazzman Chilly Gonzales qui fait l’ogre.
Le studio : la Fabrique
Le studio et la société de production à l’origine de Kérity, la maison des contes s’appelle La Fabrique. Aujourd’hui fermé, il fut pendant 30 ans l’un des hauts lieux de l’animation française. Son histoire remonte à 1979. Jean-François Laguionie, alors réalisateur de courts métrages réputés et travaillant aux Films Paul Grimault, décide de s’installer dans un ancien atelier de bobinage de soie des Cévennes avec quelques amis afin de mettre en marche la réalisation de son premier long métrage, Gwen, le livre de sable, qui sortira en 1985. La Fabrique acquiert définitivement le statut de société de production en 1987.
Pendant les 20 années suivantes, le lieu sert à Jean-François Laguionie à produire et réaliser deux longs métrages : Le Château des singes et L’Île de Black Mor, mais il permet également à d’autres réalisateurs de créer des courts métrages et des séries animées comme Les Voyages extraordinaires de Jules Verne en 2001. C’est là que Michel Ocelot a réalisé ses Ciné si… pour la télévision en 1989. Ils seront réunis et sortiront en salles sous le titre Princes et princesses en 2000.
Kérity est le premier long métrage produit par le studio et non réalisé par Jean-François Laguionie, alors déjà sur le projet du Tableau qui sortira sur les écrans en 2011. C’est aussi le dernier film produit par la société avant sa mise en liquidation judiciaire en 2009.
Les films suivants de Jean-François Laguionie seront produits par Blue Spirit : (Le Tableau, Le Voyage du prince) et JPL Films (Louise en hiver).
Le réalisateur : Dominique Monféry
Quand il arrive sur le projet de Kérity, le livre des contes, Dominique Monféry est déjà bien installé dans le milieu de l’animation française. Il a débuté dans les années 1980 sur des séries télévisées comme Rahan avant de passer assistant animateur puis animateur sur des productions Disney dans la succursale que le studio américain posséda à Montreuil de 1987 à 2004. Il a participé, entre autres, aux longs métrages Tarzan, Kuzco, Hercule ou Le Bossu de Notre-Dame. Si, en 2006, il réalise son premier long, une adaptation pour le grand écran des aventures de la tortue Franklin, il avait déjà réalisé Destino en 2003. Ce court métrage a une histoire bien particulière puisqu’il avait été ébauché durant la Seconde Guerre mondiale et devait être une collaboration entre Salvador Dali et Walt Disney. Le film ne se fera pas, mais après la sortie de Fantasia 2000, le neveu de Walt, Roy. E. Disney, décide de le remettre en chantier et charge Dominique Monféry du projet. Ce fut le dernier projet des studios Disney en France.
Pour Kérity, Dominique Monféry explique avoir été inspiré par le réalisme fantastique et avoir voulu faire entrer le spectateur dans un univers mi- réel mi- fantastique, à l’image de nombreux contes. Selon lui, le film devait être une aventure intimiste, avec des moments particulièrement dynamiques dès que l’on quitte le seuil de la maison et une histoire marquée par les sentiments et l’intériorité dès que Natanaël entre dans la grande demeure et, en particulier, dans la bibliothèque. L’ensemble devait donc prendre la forme d’un récit initiatique où l’enfant, après de multiples péripéties, prend confiance en lui, se trouve changé, grandit et parvient à dépasser son blocage en revenant sur le lieu symbolique de ses craintes et cauchemars.
Sa mise en scène accorde une grande importance au son et à la musique dans la création des ambiances et du mélange entre le réel et le merveilleux. Dans le dossier de presse, il signale que « tout au long du récit, on a décidé avec Christophe Héral (le compositeur, ndlr) d’osciller entre une orchestration sobre, une sorte de thème unique qui revient, joué de manière très épurée, et des orchestrations plus ambitieuses ». Pour les bruitages, il a choisi des éléments organiques au départ avant d’opter pour des sonorités de type « froissements de papier » pour les personnages de contes. Il revient à un son réaliste quand l’enfant est se trouve rapetissé car à ce moment-là les deux univers ne font plus qu’un et les créatures imaginaires existent aux yeux de Natanaël.
Après Kérity, Dominique Monféry est notamment devenu directeur de l’animation sur Comme des bêtes de Chris Renaud et Yarrow Cheney en 2016.
La scénariste : Anik Le Ray
La scénariste de Kérity est bretonne. Ce détail est particulièrement important pour le film car c’est là qu’elle ancre son récit, dans une terre perdue entre la mer et la nature où les légendes et les esprits circulent beaucoup dans les traditions populaires. Ce n’est pas son premier projet avec le studio, puisqu’elle avait déjà travaillé sur de nombreux films produits par La Fabrique dans les années 1990. Elle a notamment scénarisé les longs métrages de Jean-François Laguionie depuis Le Château des singes ainsi que de nombreux courts et spéciaux TV de 26 minutes.
Dans le dossier de presse, Anik Le Ray revient sur l’origine du projet en expliquant que « C’est un petit garçon de trois ou quatre ans qui a inspiré cette histoire. Il s’appelle Natanaël. Un jour, il m’a confié : “Tu sais, ben moi, je ne sais pas lire !” Tout le monde autour de lui savait lire, sauf lui. Il croyait vraiment qu’il lui manquait quelque chose, comme si la lecture était innée ! A partir de cette anecdote, j’ai imaginé reprendre tous les personnages de contes qui me tenaient à cœur et de les faire exister ensemble autour de Natanaël pour construire une sorte de voyage initiatique. La lecture est une invitation au rêve et crée par ailleurs un rapport d’une grande intimité. Quand quelqu’un lit pour un autre, un parent pour un enfant par exemple, une sorte de rêve commun se construit au fil des mots. Dans ce récit, bien plus qu’une bibliothèque contenant des milliers de livres, Natanaël reçoit en héritage le don de la lecture. »
L’illustratrice : Rébecca Dautremer
Dès les années 1990, La Fabrique a eu l’habitude, pour les besoins graphiques des courts métrages, de faire appel à des illustrateurs réputés pour créer les décors et les personnages. C’est ainsi qu’ils ont pensé à Rébecca Dautremer qui a rapidement accepté. Ce qui était prévu pour être un court métrage s’est bien développé et est finalement devenu un long métrage. Si les conditions de travail de l’animation, où il faut œuvrer en équipe, et de l’illustration, avec son processus solitaire, sont bien différentes, Kérity ne l’a pas tellement dépaysé : « Donner vie à des personnages de contes, j’y crois vraiment. Ça me passionne, c’est ce que je fais toute la journée, tous les jours de ma vie. Dans l’histoire, j’adore cette idée de voir ce monde parallèle se réveiller, retrouver tous ces petits personnages qui ont leur propre vie, dans les livres et dans la bibliothèque, et les voir se propager et exister partout dans le monde. »
A l’époque, elle venait de terminer Princesses inconnues ou méconnues ainsi que Le Journal secret du Petit Poucet, deux livres dont on retrouve des influences graphiques ou thématiques dans le film. D’ailleurs, elle a toujours eu comme objectif d’éviter de reproduire l’imagerie traditionnelle et disneyenne du conte pour enfants, de ne pas se laisser influencer par un certain consensus : « J’ai essayé d’oublier tous les clichés et de revenir à mes propres versions étalon, explique-t-elle. Il n’a jamais été dit qu’Alice est habillée en bleu ou en rouge. Ceci dit, elle est blonde, il n’y a pas de doute à ce sujet. Dans le film c’est une Alice qui a une vraie personnalité. Je l’ai imaginée avec des cheveux en pointe. Le Petit Chaperon rouge est moins prédéfini parce qu’il n’y a pas eu de film de Disney à son sujet. J’aimais bien cette idée du bonnet péruvien et du poncho. Le Loup, il fallait qu’il soit un peu penaud, qu’il ait la tête lourde. Pour la mise en matière, je le voyais très doux, pelucheux. L’Ogre est un personnage relativement ambigu. Il peut faire très peur mais sa condition physique le rend fragile. Il fallait qu’il soit méchant tout en étant tendre et bienveillant par moments. J’ai finalement dessiné un gros corps sur ses petites jambes, ce qui le rend forcément un peu maladroit et renforce sa dualité. Pour le Chat Botté, je ne voulais pas qu’il ait son chapeau à plume habituel. On a travaillé sa gestuelle et son look en s’inspirant du Charleston. »
L’animation et l’illustration étant deux univers complémentaires mais assez différents, elle a beaucoup discuté avec le réalisateur, notamment par rapport aux contraintes spatiales et temporelles pour le choix des cadres et de la palette des couleurs. Elle a aussi insisté pour que tout le travail préparatoire et les décors du film soient faits à la main pour que son univers soit bien perceptible : « Je travaille beaucoup intuitivement en me laissant guider par mes émotions. Pour la bibliothèque il fallait que ce soit rougeoyant, comme dans un ventre. Selon les séquences, avec Dominique Monféry, on a travaillé les rouges de différentes façons. Par exemple, lorsque Natanaël rentre et découvre la bibliothèque avec effroi, on a des rouges plus durs, crus et agressifs. On a choisi une palette qui va du carmin au magenta. Au moment où sa grande sœur se retrouve devant la bibliothèque vide, on a fait virer la couleur vers quelque chose de plus doux et neutre ; du kaki et une nuance orangée. Les rêves, par exemple, ont été conçus à partir des variations de roses. Au-delà de la couleur, ce qui m’intéresse c’est la composition et le travail sur la lumière. J’ai plus cherché à obtenir des lumières particulières, des reflets, des transparences que des dessins parfaits. C’est toujours à travers la lumière qu’on donne du volume aux choses. Je voulais absolument que par moments on soit presque cachés dans l’ombre. Que ce soit le château, la bibliothèque ou le hangar de Pictou, c’est toujours en lumière et en ombre qu’on a traité les espaces. Tout le coloriage du film est effectué sur la base de plusieurs matières qui ont été spécialement créées ou qui proviennent de mes livres. »
Plusieurs décors proviennent d’éléments qu’elle connaît, où elle a passé du temps plus jeune, dont elle se souvient et qu’elle a pris en photo. Ce sont des décors à la fois nostalgiques et chaleureux dans lesquels le spectateur peut se retrouver. Elle s’est notamment inspirée de la maison de sa grand-mère et de la bibliothèque de ses parents : « La bibliothèque est vraiment le cœur du film. Je l’imaginais simple mais pleine de trésors. Il s’agissait de concevoir l’architecture, dessiner l’espace et choisir un style. En m’inspirant de la maison de mes parents, j’ai décidé de mettre des charpentes pour obtenir une sensation à la fois rustique et chaleureuse. Mais c’était primordial aussi qu’elle ait un peu d’allure. On a donc fait le choix très classique des étagères fines et de l’escalier en colimaçon. Puis, pour apporter un élément de “déco” et la personnaliser, on a installé des rideaux, les kakémonos. Il fallait tenir compte du fait qu’Éléonore est une femme qui a voyagé et qui a conservé beaucoup de souvenirs. C’est une vieille dame qui a une certaine classe mais ce n’est pas du tout la grand-mère classique et bourgeoise. Naturellement, on allait retrouver un peu de fantaisie dans son environnement. Après quelques dessins, j’ai décidé de réaliser une maquette. Je n’ai pris aucune mesure, la maison était forcément un peu tordue, ce qui correspondait très bien à ce que je recherchais. Ensuite, j’ai pris en photo la maquette sous différents angles en l’éclairant à la bougie, et ça m’a donné beaucoup d’idées pour la lumière. »
Le point de vue de Nicolas Thys
Nicolas Thys est actuellement doctorant en études cinématographiques à l’université Paris-Nanterre où il travaille sur Jean Epstein, et chargé de cours aux universités Paris-Nanterre et Paris 3 Sorbonne nouvelle. Spécialiste du cinéma d’animation et des relations entre le cinéma et les sciences, il a rédigé plusieurs articles pour des ouvrages collectifs ainsi que dans les revues 1895, CinemAction, Alliage, Tangente… Il écrit également pour la revue québécoise 24 images.
« Ce qui n’est pas imaginé n’existe pas. »
Malgré leurs différences, il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre cette phrase et la formule magique que Natanaël doit prononcer afin que les personnages des livres de la bibliothèque d’Éléonore puissent vivre librement : « Ce n’est pas parce que c’est inventé que ça n’existe pas. » Si cette dernière est directement issue de l’imagination de la scénariste, Anik Le Ray, la première provient d’un article sur le cinéma d’animation écrit en 1956 par André Martin dans les Cahiers du cinéma (1).
L’image et l’invention
Né en 1925 à Bordeaux et décédé en 1994, André Martin est aujourd’hui encore l’écrivain de cinéma et le critique spécialisé dans l’animation le plus important qu’on ait pu avoir en France. Entré aux Cahiers du cinéma en 1954 grâce à l’appui d’André Bazin, il y écrira jusqu’en 1960 ainsi que dans plusieurs autres revues influentes (Arts, Radio-Cinéma-Télévision, Cinéma…). En l’état actuel des connaissances, il serait vers 1953 le créateur de l’expression « cinéma d’animation », bannière sous laquelle il regroupe les techniques de cinéma fabriqué image par image. En janvier 1958, dans la présentation d’un article fleuve à paraître dans les Cahiers du cinéma sur Norman McLaren, il associe le cinéaste à la Nouvelle Vague : c’est la première occurrence de cette expression dans la revue. L’idée est d’autant plus importante que, par la suite, l’animation n’a plus eu bonne presse en son sein.
Parmi ses autres faits d’armes, il cofonde en 1956 les premières JICA (journées internationales du cinéma d’animation), qui déménageront à Annecy quatre ans plus tard pour devenir le festival consacré au cinéma d’animation le plus important au monde. Dans les années 1970-1980, tout en continuant à écrire dans quelques magazines, il se consacre aux nouvelles technologies audiovisuelles au sein de l’INA, participe à la création du forum des nouvelles images de Monte-Carlo, qui deviendra Imag’INA, et il coréalise le premier film français entièrement en images de synthèse en 1983, Maison vole (2). Après une attaque cérébrale qui le paralyse et l’oblige à cesser ses activités en 1987, il décède en 1994.
Si ses articles critiques possèdent des velléités théoriques, il n’est pas un théoricien au sens strict mais plutôt un militant de l’animation qui réfléchit et cherche à faire connaître cette forme cinématographique méconnue et méconsidérée. Il tente de la définir, d’en poser des fondements et il en imagine les futurs possibles dans une volonté prospective. C’est en cela que la phrase en exergue de notre texte semble passionnante à mettre en parallèle avec celle de Kérity, la maison des contes. Sans qu’elles poursuivent explicitement cet objectif, toutes deux mettent en évidence l’une des caractéristiques principales du cinéma d’animation, liée à « l’imagination » ou à « l’invention » et à leur action sur le réel, comme si la seconde retrouvait au sein même du film un peu de ce que proposait la première à travers l’écriture sur l’animation.
D’une part, les deux aphorismes sont des doubles négations, élément de langage qu’il est bon d’éviter au maximum dans l’usage de la langue française mais qui, utilisé de façon volontaire, peut apporter des nuances certaines et ici prendre la mesure de la notion d’existence qui leur est commune. D’autre part, ce procédé rhétorique permet avant tout aux deux auteurs de prendre le contre-pied de ce qui est communément admis : c’est imaginé, ce n’est pas réel, donc ça n’existe pas ; c’est une invention, c’est un mensonge, donc ça n’existe pas davantage. La différence majeure des deux phrases se situe dans la nécessité ou la possibilité d’exister. André Martin est le plus péremptoire quand il affirme le besoin d’en passer par l’imagination pour faire advenir quelque chose alors que dans Kérity, la phrase écrite sur le mur offre simplement la possibilité d’une existence à ce qui est inventé.
L’imagination et l’invention sont deux concepts éloignés mais qui peuvent conserver une certaine proximité à travers le sens commun que les deux notions revêtent aujourd’hui. Étymologiquement, inventer c’est trouver, découvrir. Ça peut être lié à la technique et par ce biais à l’artistique qui en découle. L’invention, quand elle se réalise, autorise l’innovation, mais n’étant pas toujours concrète ou concrétisée, elle est aussi rapidement devenue synonyme d’affabulation, de mensonge. Dans tous les cas, elle peut donc faire appel à l’imagination, que ce soit pour rendre réel ce qui est découvert en esprit ou pour conserver l’invention dans un espace imaginaire voire sur plans. Des moyens techniques ou financiers peuvent parfois faire défaut à la réalisation. De son côté, « imaginer » a la même racine qu’« image », cette dernière étant d’abord ce qui imite la réalité voire les outils permettant cette imitation. Par métonymie, le mot s’est ensuite abstrait pour devenir une perception subjective voire symbolique de la réalité, à la manière des métaphores ou comparaisons qui sont des images. Plus tard, l’idée de création ou créativité s’est encore accentuée pour proposer l’image comme une construction mentale à peine ou pas du tout médiatisée par un support concret. C’est-à-dire qu’elle est le produit de l’imagination, qu’elle soit création, mensonge ou illusion. On peut donc retrouver l’idée d’invention dans l’image comme l’idée d’imaginaire dans le fait d’inventer.
Animer, imaginer
En tant que film d’animation, Kérity, la maison des contes est un lieu pour l’invention et l’imagination et il en a d’autant plus conscience qu’il le met en scène à travers la formule que Natanaël doit prononcer.
Un film d’animation est composé de dessins mis en mouvement image par image, ainsi que l’écrivait André Martin. Il s’agit donc de créer l’illusion d’un mouvement à raison d’un certain nombre de phases par seconde et donc d’imager un monde tout en l’imaginant se mouvoir, vivre, évoluer. On retrouve aussi quelque chose de « l’imago » qui, en entomologie, est le stade final d’un individu. Dans un processus de fabrication qui va de la feuille blanche, du brouillon des recherches graphiques au brouillon du mouvement (l’animatique), en passant par de nombreuses phases jusqu’au compositing, l’imago serait le film terminé qui, finalement, existe. D’un point de vue pratique, ces multiples étapes de création font entrer l’invention en ligne de compte, celle d’une histoire, d’abord, et donc d’une fable, mais aussi invention graphique et invention à travers l’intervention technique nécessaire au travail artistique. Le studio principal du film se nomme d’ailleurs La Fabrique. Il a été créé par Jean-François Laguionie dans les années 1980 pour les besoins de ses films et a servi à la réalisation de plusieurs autres. L’idée de fabriquer, de produire des outils est centrale. Kérity est comme pris entre les deux phrases précitées, celle au cœur de son propre récit et celle qui survole le cinéma d’animation. Le film postule qu’il est nécessaire de passer par l’image pour exister et que l’invention participe à ses conditions d’existence.
L’un des intérêts de l’animation est de modeler des univers « médians », de les inventer et de les unifier pour les faire exister mais, pour ce faire, ils doivent commencer par se proposer d’être des images du monde. Kérity propose un univers connu : une histoire de deuil et d’apprentissage de la lecture comme chacun pourrait en faire l’expérience, le tout dans des décors parfaitement reconnaissables, et a priori réalistes. Pourtant, l’analyse de la première séquence le montre, il recèle dès le début une part de mystère grâce à la bibliothèque puis aux personnages de conte qui vont faire leur apparition. Sans quitter ce double de notre monde, le film va basculer vers un autre univers, un autre point de vue. D’abord à travers les livres puis à travers la porte qui s’ouvre quand Natanaël dort et que des voix inconnues se font entendre. Puis l’enfant se transformera en l’un de ces personnages, changeant d’échelle, devenant minuscule à la manière d’Alice au pays des merveilles, et passant pour un preux chevalier aux yeux de son héroïne préférée et de l’ogre lorsqu’il combattra deux monstres qui ne sont, pour nous, qu’un crabe et un bébé. Il en est de même quand l’enfant se promène dans une trace de pas faite dans le sable. Le changement d’échelle offre la possibilité d’une métamorphose complète du monde par la métamorphose du regard et c’est ainsi que le réalisme de la situation initiale et du décor débouche sur l’invention d’une réalité seconde qui utilise des éléments de la première sans pour autant l’accepter comme telle. Cela est d’autant plus important en animation que le film est une représentation dessinée et non photoréaliste : l’imitation de la réalité diffère de la réalité, elle s’impose comme une pure création autonome. Le dessin animé permet d’autant plus sûrement l’arrivée dans ce monde – un mensonge avoué – qu’il ne repose ni sur notre expérience sensible ni sur une intellectualisation pure. Il fonctionne sur un troisième registre, situé entre les deux, que l’on peut qualifier de médian.
Ce monde, image détournée du nôtre, porte en lui un autre « imago » : dans l’antiquité romaine, le terme désignait un masque mortuaire moulé sur le visage d’un défunt afin d’en conserver une trace. Il fait office d’image à transmettre aux générations futures. Cet imago semble ici décomposé en différents éléments : la maison, trace du passage d’Éléonore à conserver et à passer à sa généalogie, les êtres peuplant les livres et formant la mémoire de la conteuse qu’il faut transmettre aux générations suivantes, et le tableau de la dame déjà âgée qui surplombe un couloir. Si l’imago était l’empreinte d’un mort, le film étant entièrement dessiné, le tableau devient la plus fidèle empreinte de la tante disparue.
Médiation de l’image
Si l’image et l’invention sont au cœur même de Kérity, la maison des contes, Dominique Monféry, le réalisateur, les revisite à travers une mise en scène de la voix et de l’écrit. En effet, l’ensemble du film repose sur un passage de la parole entendue à la parole prononcée, le tout étant médiatisé par l’écrit et par des formes d’image et d’imaginaire.
Éléonore avait l’habitude de lire des contes, des récits mythiques dont certaines structures sont communes à toutes les cultures, et donc à tous les enfants, comme a pu le montrer Vladimir Propp (3). Signalons qu’une autre acception d’« imago », cette fois liée à la psychanalyse, est à l’origine du concept d’inconscient collectif. Chez l’enfant, il désigne une représentation psychique construite à partir d’expériences vécues au contact de ses proches et entremêlée à des représentations imaginaires, parfois mythiques et communes à tous. Sans aller vers une lecture psychanalytique de Kérity, toutes les histoires lues par Éléonore ainsi que le blocage auquel Natanaël fait face et dont nul ne comprend l’importance – ses parents sont inquiets sans trop s’en préoccuper – reprennent également des éléments contenus dans cette « imago » et qu’il s’agira de dénouer pour parvenir à la conclusion de l’intrigue.
Si, historiquement, les premières histoires racontées circulaient par voie orale de famille en famille, de poète en poète ou de musicien en musicien, cette dimension a diminué au fil des siècles pour laisser place à l’écrit, au moins dans la plupart des sociétés occidentales. Les livres se sont accumulés et ont imposé certaines formes fixes aux récits qui se propagent d’autant plus afin d’être à nouveau lus. C’est ce même passage que doit effectuer Natanaël : il connaît les histoires, il les a entendues, elles lui ont été lues et il va devoir les lire à son tour. Mais comment faire quand la médiatrice n’est plus ? Le début du film rejoue cette disparition. Quand l’enfant entre dans la maison vide pour la première fois depuis le décès de sa tante, il se revoit dans chaque pièce avec elle à ses côtés lui faisant la lecture. À mesure qu’Angélica ouvre les fenêtres que la lumière entre, l’image de la lectrice originelle, qui se trouve être la protectrice des histoires et de leurs protagonistes, est comme projetée (4) dans la pièce avant de s’évanouir à son tour. Par la suite, les éléments écrits se déroberont à sa lecture et disparaîtront : phrases et mots se délitent en lettres qui se perdent dans des tourbillons ou des tempêtes. Pour vaincre cet étourdissement, Natanaël va devoir aller vers une forme de matérialité, trouver quelque chose de solide qui prendra sa source dans l’image même.
Mais en attendant la résolution, tout a l’air évanescent, jusqu’aux petits personnages de contes. Ils peuvent s’échapper des livres et les laisser vierges de toute illustration comme lorsqu’une cliente veut acheter le stock d’ouvrages à Pictou. Cependant, eux-mêmes risquent l’effacement (5) si Natanaël ne parvient pas à lire la phrase magique. Plus surprenant, la disparition de leur image implique la mort des récits alors même que ces contes sont constitués de mots avant d’être composés d’images. Peu à peu, les personnages perdent de leur substance, de leur « substantifique moelle » pour reprendre Rabelais qui rappelait dans Gargantua qu’il « fault ouvrir le livre et soigneusement peser ce que y est déduict. (…) Puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l’os, et sugcer la substantificque moelle, (…). » (6) Il est donc important d’extraire le sens caché des textes, de comprendre ce qu’on lit. C’est l’une des fonctions des illustrations que de guider la lecture pour les plus petits avant qu’ils n’accèdent eux-mêmes aux mots.
Si Natanaël ne sait pas lire, il connaît son alphabet. Il souffre d’un blocage, peut-être lié au décès d’Éléonore, ce que le film suggère sans le rendre explicite. Lire est un cauchemar et la découverte de la bibliothèque qui lui a été léguée fait remonter en lui de mauvais rêves, fortement imaginés, où lettres et mots pleuvent, s’entremêlent et s’abattent sur lui dans un déluge sans signification. Pour sauver les contes et ceux qui les habitent, il doit prendre la succession de sa tante, ce qui implique la lecture d’une phrase et donc d’affronter sa plus grande phobie. L’imaginaire, qui passe par la parole de la tante, doit à la fin du film passer par sa propre parole. Pour cela, il doit déchiffrer l’image de cette phrase qui hante la bibliothèque, la rendre audible, l’oraliser.
Car la phrase se présente d’abord comme une image et elle ne deviendra phrase qu’une fois lue. Avant la lecture, elle est une expérience calligraphique mouvante qui ne pourrait guère offrir plus qu’un plaisir esthétique, une représentation tracée sur un mur à la manière de la célèbre pipe de Magritte qui n’est pas une pipe mais la représentation de celle-ci. La phrase, ainsi exposée dans le film, est donc image, voire image dans l’image puisque le film n’est que successions d’images et s’offre comme image ainsi que nous l’avons expliqué plus haut. La formule à énoncer est ainsi fixe, immuable, et donc le contraire de ce que doit être la lecture : vivante et dynamique. Pour accomplir sa tâche, Natanaël va devoir vivre une aventure (ce qu’on trouve dans les contes), il aura besoin de compagnons de route (autre leitmotiv des récits enfantins) et d’autres images, non plus « écrites » mais « dessinées » même si les deux sont identiques en leur fond comme aimait à le rappeler Paul Klee. Ces images sont les personnages déjà évoqués, et le déblocage psychologique de Natanaël, ainsi que le sauvetage des êtres de couleurs, se réalisera grâce à la mise en mouvement de ces images qui quittent leur statut d’illustrations immobiles pour gagner en autonomie. Elles mettent de côté pour un temps leur état de papier imprimé pour appartenir au monde. La résolution, le passage du dessin au mot, découle donc d’un agir, d’une fabrication et d’une invention.
Puissance d’une parole
La parole est toute-puissante mais encore faut-il qu’elle soit maîtrisée par la lecture. On retrouve dans le film un peu de l’idée biblique d’une parole créatrice perceptible dans l’Ancien Testament : « Car Il dit, et la chose arrive ; Il ordonne, et elle existe » (7) ou des évangiles, et notamment celui de Jean – « Et la parole a été faite chair » (8). Toutefois, les livres ont déjà été écrits et les histoires inventées. Natanaël n’est pas une figure divine mais plutôt celle d’un prophète qui porte la « bonne parole ». Cette dernière doit venir des livres, des contes ici sacralisés. Sans la parole du conteur, les livres sont vides. À la fin du film, Natanaël ne lit pas silencieusement mais pour tout le monde, insistant sur l’idée d’une oralisation nécessaire du conte, sur l’importance du verbe. Sans la parole issue de la lecture, les personnages s’effacent, ils perdent leur corporéité. Ils ne peuvent se rematérialiser que parce que la parole de Natanaël leur donne chair, mais pour cela il lui faut prononcer une formule bien spécifique, la phrase juste, l’aphorisme qui autorise leur invention et leur existence, qui les autorise à être à la fois des images dans les livres mais également des images dans la réalité de l’enfant, au sein du film. La croyance n’est d’ailleurs pas absente puisqu’à un moment le petit garçon assène à sa sœur « Tu ne crois plus aux contes ! » comme le reproche d’un manquement à une foi qu’elle va aussi redécouvrir.
L’autre rapport quasi religieux est lié à la nature même des livres de la bibliothèque. Ce sont des originaux, ce qui leur confère une valeur inestimable car ils contiendraient « l’essence » des contes. Les auteurs ne sont jamais évoqués, comme s’ils n’avaient été eux-mêmes que des mains médiatrices. C’est pourquoi les personnages sont si importants. Ils peuvent sortir, disposer d’une certaine autonomie à l’extérieur même des histoires dans lesquelles on les a inclus. Le Chaperon et le Loup sont amis, par exemple, car leur existence dans le livre et à l’extérieur est, jusqu’à un certain point, indépendante. Parler d’original pour un conte pourra sembler saugrenu car beaucoup ont été recopiés et réécrits avec des variantes au fil des siècles par plusieurs écrivains, mais l’idée d’original est intéressante car ce premier exemplaire est fantasmé comme renfermant l’origine de la création. C’est celui qui sera réimprimé et enfantera les autres. L’idée même d’invention est au cœur de l’original, les exemplaires suivants n’étant plus que des copies techniquement reproductibles à l’infinie. Le premier est alors pourvu d’une « aura » et d’une valeur « cultuelle », au sens benjaminien de ces termes (9), qui disparaissent au fil des reproductions. Dire l’œuvre ne l’empêche pas de posséder une source unique, située dans la bibliothèque d’Éléonore, la Babel des contes, qu’on peut percevoir comme l’immense livre où les contes préservent leur nature et leur héritage annoncé dans le sous-titre du film.
Toujours lié à la parole, Kérity peut également être perçu comme une application cinématographique détournée des théories sur le langage énoncées par John Austin en 1962 dans son court ouvrage « Quand dire, c’est faire » (10). Son postulat est qu’une affirmation ne se borne pas à décrire un état de fait mais qu’elle peut être performative et donc réaliser un acte quand elle est prononcée dans certaines conditions précises. Quand un maire ou un prêtre affirme « Je vous déclare mari et femme », il ne transmet pas une information, il crée l’union. Dans le film, dire que ce n’est pas parce que quelque chose est inventé qu’il n’existe pas permet aux êtres inventés par les différents auteurs des ouvrages d’obtenir une forme d’existence. L’un des intérêts de la phrase est d’ailleurs de n’être ni affirmative, puisqu’elle est construite en double négation, ni performative, puisqu’elle n’implique pas une action directe. Pourtant, la prononcer produit directement un effet : les êtres se matérialisent pour de bon, ils existent pour Natanaël et Angélica mais pas pour les autres, ils existent pour nous au sein du film mais pas dans notre monde, ils acquièrent donc une forme d’existence sans toutefois exister ni être dotés de vie.
D’une certaine façon, pour parvenir à lire, Natanaël va devoir entrer dans son propre imaginaire – la bibliothèque, métaphore de toute sa petite enfance au côté de sa tante – autant que cet imaginaire va devoir se manifester dans la réalité, ce que figure la séquence du second cauchemar, perdue entre rêve et réalité. En se confrontant à un monde métamorphosé, il va devoir inventer un récit qui lui permettra de rejoindre la phrase affichée sur le mur puis de revenir chez Pictou, des techniques pour se sortir de moments périlleux, même si tout n’est pas au point : l’allumette comme une épée, le cerf-volant comme un avion. Il va devoir investir un monde qu’il connaît sous une autre forme, avec un regard neuf. Il va s’aider des images connues (les personnages) pour aller vers d’autres plus lointaines (les lettres) afin de les apprivoiser et de savoir les dire. Il va devoir passer par un univers médian, celui de l’animation, pour mieux appréhender celui d’où il vient et celui d’où les créatures viennent. De simple spectateur, il deviendra acteur. Lire, c’est donc s’emparer d’images, inventer, entrer dans une autre dimension et agir sur le monde pour le faire exister autrement.
Notes :
- André Martin, « Un match extraordinaire » in Cahiers du cinéma n°60, juin 1956.
- https://vimeo.com/268267412
- Vladimir Propp, Morphologie du conte, éd. Seuil.
- Une lumière forte surgit, comme le cône qui est projeté sur l’écran au cinéma. À travers ce mécanisme de projection, La métaphore cinématographique est à l’œuvre comme nous l’avançons dans l’analyse de la première séquence du film.
- Et s’effacer, pour un dessin, c’est mourir. C’est une des leçons de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? où les Toons ne meurent pas, sauf attaqués au dissolvant.
- François Rabelais, Gargantua, éd. Flammarion.
- Psaumes 33 : 9.
- Évangile selon Jean 1 : 14.
- Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, éd. Payot.
- John Austin, Quand dire, c’est faire, éd. Seuil
Petite bibliographie
l John Austin, Quand dire, c’est faire, éd. Seuil.
l Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, éd. Payot.
l José Luis Borges, Fictions, éd. Gallimard.
l Umberto Eco, Le Nom de la rose, éd. Grasset.
l Hervé Joubert-Laurencin, La Lettre volante, quatre essais sur le cinéma d’animation, éd. Presse de la Sorbonne Nouvelle.
l Carl-Gustav Jung, Métamorphoses de l’âme et ses symboles. Analyse des prodromes d’une schizophrénie, éd. Livre de Poche.
l Kurd Lasswitz, La Bibliothèque universelle, NRF n°565, avril 2003.
l Vladimir Propp, Morphologie du conte, éd. Seuil.
l François Rabelais, Gargantua, éd. Flammarion.
Sitographie
l Dossier de presse de Kérity, la maison des contes
Array
l Maison vole (Coréalisation André Martin et Philippe Quéau)
l La Bible en ligne
https://saintebible.com
l Les 32 plus belles bibliothèques du monde
http://www.topito.com/top-bibliotheques-monde
Le compositeur : CHRISTOPHE HERAL
Christophe Héral est un compositeur et designer sonore français pour le cinéma, notamment d’animation, la télévision et le jeu vidéo. Il est né à Montpellier le 24 novembre 19601. Il est le frère du batteur de jazz Patrice Héral.
Biographie
Christophe Héral commence l’apprentissage de la musique à l’adolescence, d’abord la guitare puis prend des cours de composition à l’âge de 17 ans. En 1985 il crée sa première bande originale pour un court métrage d’animation, genre pour lequel il travaille ensuite de plus en plus, pour la télévision comme pour le cinéma. En 1999 il est recommandé par Hubert Chevillard à Michel Ancel qui cherche un compositeur venu du 7e art pour son prochain jeu, « Beyond Good and Evil ».
Il travaille avec Jean-François Laguionie et composera la musique de deux de ses longs-métrages, « l’île de Black Mor » et dernièrement « le Voyage du Prince », film co-réalisé avec Xavier Picard
En parallèle de ses créations pour l’animation il continue à collaborer avec Michel Ancel, notamment en composant les musiques des jeux « Rayman Origins » et « Rayman Legends » avec Ubisoft Montpellier pour « Le Secret de la Licorne », travaille sur « Beyond Good & Evil 2 » et « Wild ».
Compositions pour le Cinéma
1985 : Portraits
1988 : Pépère et Mémère, prix film pour la jeunesse Festival Marly-le-Roi 89
1991 : Le Chaos Immobile
1991 : I Love You My Cerise, prix premières œuvres, mention pour la musique Festival Marly-le-Roi 92
1994 : Petit Jeune Fille dans Paris, Grand Prix Festival Marly-le-Roi, prix Zagreb
2003 : Picore, prix meilleur film d’animation Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2004
2003 : Temps de cuisine, coup de cœur SACEM e-Magiciens 2003
2003 : Le Trésor du têtard salé, prix spécial jury Festival international du film d’animation d’Annecy
2004 : Mademoiselle Bérangère
2004 : La Première Fois
2004 : Le Vieux
2004 : Poteline
2004 : L’Île de Black Mór
2005 : La Pauvre Histoire d’un maraud
2005 : Eaux fortes
2005 : Le Bon Numéro (court-métrage)
2005 : A morta
2006 : Bouts en train, prix Zagreb, Festival de cinéma Indépendance(s) et Création d’Auch 2007
2007 : Mitoyennetés
2007: Cocktail, petits fours et dents pointues
2007 : Poisson Lune
2007 : MAO
2007 : La Queue de la souris, cartoon d’or 2008
2007 : Migration assistée, coup de cœur e-Magiciens 2006, prix du public Festival international du film d’animation de Stuttgart 2007
2008 : Soleil noir
2008 : Nouveau Régime
2008 : Mamie Nano, prix Beaumarchais SACD 2008
2008 : L’Ondée
2009 : Filéas Frog
2009 : Kérity, la maison des contes
2011 : Chienne d’histoire, (Sound Design et Mixage) Palme d’or du court métrage
2011 : la Douce, grand prix AFCA, Prix SACEM
2013 : Pasta Ya
2014 : Tigres à la queue leu leu
2015 : Peripheria
2015 : Le Fil d’Ariane
2017 : Il s’est passé quelque chose
2019 : Bach Hong
2019 : Au pays des aurores boréales
2019 : Le Voyage du prince
2020 : SuperMarlene
2020 : le Do de la cuillère
2021 : the Secrets of Radha
2021 : Louise et le serpent à plumes
2023 : Le petit commerce
Compositions pour la Télévision
1992 : Les Histoires de la maison bleue (26 × 13 min)
1994 : Guano ! (52 × 1 min)
1994 : L’Histoire de Noël (52 min)
1995 : le Père Noël et les enfants du désert (52 min)
1996 : La Tête à Toto (110 × 8 min)
1996 : PIKTO (140 × 1 min)
1997 : Lava-lava ! (4 × 6 min)
1999 : entre chien et chat (140 × 1 min)
1999 : Debout les Zouzous, générique
2001 : Les Voyages extraordinaires de Jules Verne (5 × 52 min), 7 d’or 2001
Le Tour du monde en 80 jours, La Jangada, César Cascabel, L’Étoile du sud, Voyage au centre de la Terre
2004 : Un cadeau pour la vie (26 min)
2004 : L’oiseau Do]’ (26 min), prix cartoon on the Bay 2005
2005 : Petit Wang (26 min), meilleur filmTV Annecy 2006
2005 : Fafa (700 × 8 min)
2006 : Alpha Beta (26 min)
2008 : La Clé (26 min)
2015 : Tigres à la queue leu leu (8 min)
2015 : Habillage ARTE Court-Circuit, ARTE Journal
Compositions pour des Jeux vidéo
2003 : Beyond Good and Evil
2011 : Rayman Origins
2011 : Le Secret de la Licorne
2013 : Rayman Legends
2022 : Foretales
N.C. : Beyond Good and Evil 2
2023 : DLC Mario Rabbids & Rayman
Notes et références
Héral, Christophe (1960-….), « BnF Catalogue général » [archive], sur catalogue.bnf.fr (consulté le 5 octobre 2016)
« Interview de Christophe Heral » [archive], sur BGEMyth.net (consulté le 8 novembre 2013)
Aurélie Jacques, « Il fait chanter la Castafiore » [archive], Le Point, 15 décembre 2011
Un lien vers la musique du film
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/651e75e1cd3d8
: Dans la première partie (qui dure une minute), le thème est chanté par une voix d’enfant soliste avec l’accompagnement de l’ensemble du pupitre des cordes et la présence féérique du Glockenspiel.
: Arrive ensuite le souffle grave d’un saxophone et les notes d’un cymbalum et une partie avec chœur, très proche de l’univers musical de Danny Elfmann.
: Un thème au piano commence après la deuxième minute avec de nombreux chromatismes.
: A la quatrième minute, un arpège de guitare complète le piano et le glockenspiel apportant un dynamisme qui contraste avec la partie précédente.
Les instruments de la magie
: Le CHIME : instrument à percussions joué essentiellement avec le doigt.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d3f9b4028f
: Le PIANO-JOUET : instrument qui ressemble au piano par son clavier mais qui ne contient pas de cordes, mais des lames en métal.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d40488e18a
: La CLARINETTE-BASSE : c’est un instrument de la famille des bois, elle-même intégrée à la grande famille des instruments à vents.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d7c9dce6fc
: Le CYMBALUM : c’est un instrument à cordes originaire de l’Est de l’Europe.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d7dca86dfd
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
Voici deux fables de Jean de la Fontaine, pour illustrer la thématique qui sert de base à la programmation 2023 / 2024 du dispositif « école et cinéma ».
LE LION ET LE RAT
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion,
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?
Cependant il avint qu’au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
LA COLOMBE ET LA FOURMI
L’autre exemple est tiré d’Animaux plus petits.
Le long d’un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l’eau se penchant une Fourmis y tombe ;
Et dans cet océan l’on eût vu la Fourmis
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité ;
Un brin d’herbe dans l’eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmis arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant par hasard avait une arbalète.
Dès qu’il voit l’Oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu’à le tuer mon villageois s’apprête,
La Fourmis le pique au talon.
, Le Vilain retourne la tête.
La Colombe l’entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s’envole :
Point de Pigeon pour une obole
LA MAISON : PERSONNAGE DU FILM
Dans de nombreux films, la maison n’est pas un simple décor mais une clé du film, un signifiant, voire un personnage à part entière.
Un décor.
Travail essentiel pour le décorateur, la maison ou la pièce de la maison, est l’écrin dans lequel les acteurs jouent. Tous les éléments (papier-peint, couleur, meubles, éléments de décoration…) font l’objet d’une recherche approfondie afin de cadrer avec l’action du film. Dans un film sur Louis XIV, on ne peut pas mettre une commode Empire !
On pourrait parler également des contraintes techniques liées à l’éclairage, les mouvements de caméra et la position des micros.
Prenons un exemple dans le catalogue « école et cinéma » avec cet extrait de la bande-annonce du film « L’homme qui rétrécit ». La plus grande partie du film se passe dans la maison du héros, qui devient le lieu d’une aventure toujours plus dangereuse.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d356e0e7a8
Un signifiant
Avant la guerre, le cinéma français oscillait entre réalisme et réalisme poétique. Le maître du décor à cette époque-là était Alexandre Trauner. Dans « Le jour se lève » de Marcel Carné, avec Jean Gabin, la pièce utilisée pour le décor était constituée de quatre murs (contrairement à la plupart du temps, où trois murs suffisent pour tourner, le quatrième mur accueillant l’équipe technique et permettant notamment l’entrée et la sortie des comédiens). Il s’agissait de signifier l’enfermement social du héros, prêt à se suicider.
https://ladigitale.dev/digiview/#/v/6524ebeddb75c
Un personnage
On pourrait citer nombre de films dans lesquels la maison a une importance si évidente qu’elle s’élève au niveau d’un personnage à part entière. C’est souvent le cas dans les films d’Alfred Hitchcock. Citons simplement « Rebecca » en 1940, de « Vertigo » en 1958 (décor de Sam Comer), « les oiseaux » en 1963 ou bien sûr dans « Psychose » en 1960.
PSYCHOSE : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/6526385abe4c0
Pour rester dans le domaine du cinéma pour enfant, on peut citer « Mon voisin Totoro », « Là-haut » ou « La Belle et la Bête ».
TOTORO : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652639f77195b
LÀ-HAUT : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/65263aa55c5eb
LA BELLE ET LA BÊTE : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/65263bcad4bfd
La bibliothèque
La bibliothèque est l’endroit dans lequel sont rangés les livres. Présente dans chaque école, dans chaque ville et dans certaines maisons, la bibliothèque est l’objet de toutes les attentions des enseignants ! Lecture, échange, rangement, classement, apprentissage, recherche… beaucoup d’activités scolaires peuvent être rattachées à ce lieu. Ce film est l’occasion de parler livres, personnages, architecture d’intérieur… !
La bibliothèque, c’est aussi n’importe quel lieu dans lequel on est bien pour lire ! Dans quel lieu Bastien lit-il « L’histoire sans fin » ? Dans le grenier de l’école !
Image-ricochet :
La tante Éléonore (dont Jeanne Moreau fait la voix) est un personnage qui n’est présent que par la voix, une lettre et un portrait, un peu comme Rebecca, Laura et Harvey.
LAURA : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/6526405834b21
REBECCA : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/65264169515e7
HARVEY : https://ladigitale.dev/digiview/#/v/652d3da9f1ceb
Quelques activités vite fait…
l Juste après la séance, on peut évidemment demander aux enfants, non pas s’ils ont aimé ou pas mais de raconter leur passage préféré, celui qu’ils n’ont pas aimé.
l De faire le résumé de l’histoire, à l’oral ou à l’écrit en proposant par exemple un diaporama avec des images (des photogrammes) à remettre dans l’ordre.
l On peut aussi, pour les plus petits, proposer une collection d’images dont certaines appartiennent au film, d’autres non ; dont certaines ont un rapport avec le film, d’autres aucun.
l On peut faire raconter une histoire très très courte, seulement avec des bruitages et du son (le son est très important dans le film. Avec un simple téléphone.
l C’est peut-être le moment de faire quelques séances sur la lecture de l’heure, non ?
À VÉRIFIER
l Les enfants ont-ils bien identifié et nommé les personnages de contes présents dans le film : Alice, Peter Pan, la petite fille aux allumettes, le chat botté, Cendrillon …
l Les enfants ont-ils compris ce qu’est une édition originale et pourquoi l’antiquaire veut absolument acheter les livres de la bibliothèque ?
l A qui appartenait la maison ? Qu’est devenue la tante Éléonore ?
l Qui est l’élu ? A quoi le reconnaît-on ?
l Que doit faire Nathanaël pour sauver les personnages des contes ?
l Que doivent faire les personnages pour éviter la vente des livres par Pictou ?
l Pourquoi les petits personnages deviennent-ils transparents ?