Gauville Hervé, Libération, 22 février
Il est mort en bateau mais sera enterré en Nouvelle-Zélande, dans le Jardin des morts heureux, comme il avait surnommé le carré de verdure de sa propriété. Fridensreich Hundertwasser était autrichien. Il passait le plus clair de son temps en Nouvelle-Zélande et s'était récemment fait remarquer grâce aux latrines qu'il avait conçues pour la toute petite localité néo-zélandaise de Kawakawa. Jusqu'alors, la ligne de chemin de fer qui traversait la grande rue attirait quelques curieux. L'édicule multicolore représente désormais le nouveau pôle d'attraction du village.
De son vrai nom Friedrich Stowasser, il est né à Vienne en 1928. Quasi autodidacte, c'est à Paris qu'il fut révélé grâce à la galerie Paul Facchetti. Sa peinture, qui s'appuie essentiellement sur l'aquarelle, est un mélange de figures enfantines et de constructions naïves. Son succès provient d'un goût marqué pour les miniatures, les schématisations, jeux de couleurs, décompositions de traits, effets de collages, entrelacs et autres ornementations enchevêtrées.
Hundertwasser était aussi architecte. On lui doit notamment le Hundertwasser Haus, un immeuble qui mélange fantaisie et écologie. Ses fenêtres non rectangulaires, les jardins juchés sur les toits et les planchers convexes en ont fait l'un des monuments les plus visités à Vienne. C'est d'ailleurs en architecture que cet adepte de la courbe effrénée a donné libre cours à son imagination. Il a conçu une centrale thermique chatoyante, ainsi que quelques hôtels et centres thermaux du même acabit. Il a ensuite exporté ses talents et sa verve en Allemagne, au Japon et aux Etats-Unis. C'est là qu'en 1980 il planta une centaine d'arbres à Washington pour inaugurer le Hundertwasser Day (le jour de Hundertwasser).
La provocation, l'artiste la maniait aussi à l'occasion de cérémonies officielles. Ainsi l'a-t-on vu en 1969 se déculotter devant la maire adjointe de Vienne ou encore, deux ans plus tôt, se mettre à poil pour pérorer à Munich. Politiquement, il s'inscrivait dans un courant joyeusement écologique et avait milité contre l'adhésion de son pays à l'Union européenne; ce qui, si on l'avait écouté, n'aurait peut-être pas provoqué aujourd'hui le tollé anti-Haider que l'on sait.
Agé de soixante-et-onze ans, Hundertwasser rentrait de Nouvelle-Zélande sur le paquebot Queen Elizabeth 2 lorsqu'il a succombé à une crise cardiaque.
Frank Gehry, architecte (Toronto, 28 févr. 1929). Frank Gehry grandit à Toronto et, à l'âge de 17 ans, s'installe avec sa famille à Los Angeles. En 1954, il obtient un baccalauréat en architecture de l'Université Southern California et étudie l'urbanisme à la Graduate School of Design de l'Université de Harvard. La carrière de Gehry s'étendra sur une quarantaine d'années et il concevra des bâtiments publics et privés en Amérique, en Europe et en Asie. À la fin du XXe siècle, Gehry est devenu l'un des architectes les plus reconnus et dont on parle le plus dans le monde entier. Il figure parmi une poignée d'architectes dont les projets largement connus ramènent l'architecture dans la conversation des gens ordinaires. Le siècle s'est achevé sur la sélection du musée Guggenheim de Bilbao (Espagne), dessiné par Gehry, comme « bâtiment du siècle ».
C'est ce projet qui est à l'origine de ce qu'on a appelé « l'effet Bilbao ». Il a remporté tellement de succès auprès du public que les touristes et les amateurs d'architecture ont envahi la petite ville de Bilbao pour venir admirer la réalisation de Gehry. Le Guggenheim de Bilbao est le parfait exemple de l'impact du choix d'un architecte connu, tel que Gehry, pour la conception d'un immeuble; il peut attirer les visiteurs par milliers, d'où le terme d'effet Bilbao. Musées et autres institutions culturelles et publiques partout dans le monde ont suivi cet exemple, dans l'espoir de connaître le même succès que le Guggenheim.
Gehry conçoit et dirige lui-même tous les projets entrepris par la firme Gehry Partners, fondée en 1962 et située à Los Angeles. À la fin des années 1950 et 1960 - les premières années de sa carrière - son travail est bien planifié et affiche une élégance telle que ceux qui connaissent ses réalisations attribuent à leur auteur un réel talent. Ce n'est que dans les années 1970 qu'il commence à faire éclater l'espace cubique et, à la fin de la décennie, il s'aventure dans un territoire totalement inconnu par le biais d'une expérience architecturale : son propre petit bungalow rose de Santa Monica qui devient un laboratoire dans lequel il peut tout essayer, ce qu'il fait d'ailleurs. Gehry déplace les murs, en ajoute de nouveaux, mettant le regard au défi de savoir lesquels sont les vieux ou les nouveaux, et de distinguer l'intérieur de l'extérieur. Il utilise des matériaux courants tels que des clôtures à mailles métalliques comme éléments architecturaux, une innovation qui est rapidement associée à son travail. Depuis lors, il a renversé de nombreux obstacles à la libre expression architecturale. Après 1989, les ordinateurs et les logiciels spécialisés lui donnent la liberté tant attendue de créer des façons toujours plus inventives de délimiter l'espace.
Encore aujourd'hui, Gehry continue à utiliser le processus de conception qu'il a expérimenté pendant la rénovation de sa propre maison. Pour lui, il s'agit de tout voir d'un oil nouveau, de découvrir dans ce que vous avez regardé jusqu'ici comme étant ordinaire, tout son potentiel de devenir extraordinaire. Ce qu'on considère comme la signature de Gehry, c'est son style qui allie son intérêt pour la matérialité et les formes expressives. Les bâtiments ainsi créés sont habituellement composés de volumes discontinus modelés par des toits curvilignes qui ondulent librement. Il utilise souvent les panneaux de métal, en acier inoxydable ou en titane, en tant que placage. Il en résulte une collection d'édifices qui ne ressemblent plus à la conception historique de l'architecture. Certaines structures semblent même défier les lois de la gravité et la capacité humaine de former des structures.
Plus que tout autre architecte de sa génération, Frank Gehry est un pionnier dont la vision va au-delà des règles et contraintes esthétiques et techniques généralement respectées de l'architecture du XXe siècle.
Gaudí est la plus grande figure de l'architecture catalane, il est connu dans le monde entier.
Né le 25 juin 1852, il fréquente jusqu'à son Baccalauréat les Écoles Pias de Reus, puis vient ensuite à Barcelone où il étudie à l'Institut d'Enseignement Moyen et à la Faculté des Sciences.
En 1873 il entre à l'École Provinciale d'Architecture de Barcelone, où il obtint son Titre d'Architecte l'année 1878.
Sa vie professionnelle se déroula à Barcelone, ville dans laquelle on peut voir la partie fondamentale de son œuvre.
Le contexte social dans lequel il vécut - une époque de fort développement économique et urbain de la ville, l'appui d'une puissante classe moyenne désireuse de se rapprocher des tendances européennes de l'époque, la concomitance du phénomène de la "Renaixença", servirent la fantaisie et l'imagination débordante de Gaudí.
Influencé par Violet Le Duc et Ruskin, il se révéla être des piliers fondamentaux de l'Art Nouveau, style dans lequel on le classifie, en dépit du fait que malgré que son esthétique soit, comme celle de certains grands génies, difficilement classifiable, les opinions qui le classent dans d'autres courants artistiques sont fréquentes.
La biographie de Gaudí est très liée avec la famille Güell, une famille de grand prestige dans les milieux industriels et artistiques de l'époque à Barcelone. Il construisit pour cette famille une partie importante de son œuvre, comme le Palais Güell, la Crypte de la Colònia Güell et le Park Güell.
En sus d'une œuvre importante dans la construction d'immeubles résidentiels et urbains, le travail architectural de Gaudí se déroula dans le domaine religieux dans lequel on répertoire quelques uns de ses travaux les plus importants comme la Sagrada Família de Barcelone, la Crypte de la Colònia Güell de Santa Coloma de Cervelló déjà mentionnée et l'École de Santa Teresa de Ganduxer également à Barcelone.
Sa vision de l'architecture comme un tout, fait que son empreinte se manifeste non seulement sur les façades et les parties extérieures de ses immeubles, mais aussi dans les intérieurs qui dénotent un travail intense qu'il développa avec la collaboration de nombreux artistes et artisans.
Après des années d'oubli et de critique générées par le "Noucentisme", le prestige de Gaudí est aujourd'hui un fait reconnu dans le monde entier, aussi bien par les spécialistes que par le public en général.
Antoni Gaudí est mort à Barcelone renversé par un tramway le 10 Juin 1926.
Le style de langage indubitable de Gaudi se manifeste particulièrement dans ce colossal bâtiment sacré, qui l'a maintenu occupé de la jeunesse jusqu'à sa mort, entrecoupé de peu d'interruptions. Cet énorme monument attend aujourd'hui toujours son accomplissement. Seulement le transept avec quatre tours de 100 m de hauteur a été construit de son vivant, mais ils nous donnent une idée de l'énorme projet. En 1883 Gaudi reçu la commande de la construction de cette cathédrale dont une ébauche néogothique de l'architecte Francisco de Villar existait déjà. Une donation inattendue mais substantielle a permis à Gaudi de rejeter l'ébauche originale de Villar et de projeter un travail monumental comprenant 12 tours, cinq longs bateaux et trois maisons transversales.
Gaudi était un homme et un artisan très pratique. Il a converti des plans imaginaires en réalité, il a constamment fait des changements dans tout et a suivi des impulsions soudaines. L'harmonie des unités, des formes et des matériaux de construction donne une synthèse vivante, une synthèse singulière des arts était importante pour lui. Doué d'une riche imagination et la volonté d'embrasser de nouveaux modèles, il a souvent vu empiriquement des possibilités de construction puis les convertissaient de façon techniquement solide. En coopération avec les maçons du pays, il a exploré les possibilités de la technologie Catalane des courbes et a créé de nombreuses innovations qui ont dépassé les limites de la construction et de l'imagination.
À travers toutes les réalisations d'Antoni Gaudi, on peut sentir sa vision métaphysique et religieuse. Comme les formes de la nature qui, dans leurs variétés et régularités, démontrent l'interaction merveilleuse d'une unité divine bienveillante, alors l'architecture devient pour lui le plus haut de tous les arts représentant le symbole de cette unité divine. Il mettrait même la musique en parallèle à la synthèse de l'architecture. Les greniers de la cathédrale ont été prévus pour contenir de grands choeurs, les tours pour recevoir d'énormes tubes en forme de cloche et leurs sons ainsi que le chant de dix milliers de croyants transformeraient toute la ville en hall de messe. Un génie avec des convictions fortes tel que Gaudi était nécessaire pour coordonner tous ces concepts, mentalement et concrètement dans l'harmonie.