Le coin cinéma du peintre
Editions Linard Année de parution : 1987 Format : 104 X 75 cm Planche avec photo + Pince à dessin Technique : sérigraphie sur carton gris 300 g, en 10 couleurs Tirage : 60 exemplaires
Cette sérigraphie reproduit un original, un dessin au pastel gras travaillé en réserve, esquisse inachevée sur laquelle figurent 2 phrases manuscrites qui précisent la scène.
Les personnages semblent tirés d'un carnet de voyage, esquisse d'un portrait posé. Deux plans composent l'image. Au premier plan, devant au centre, cadré au niveau du buste, un homme. C'est un Touareg, ses vêtements le laisse deviner, il porte le costume traditionnel des jours de fêtes : le « boubou » et la chèche bleue indigo, caractéristique des habitants du Sahara central. Il regarde vers l'artiste, sans expression précise. Au second plan, en surplomb du premier, est assis sur un dromadaire sellé traditionnellement, en habit d'explorateur (militaire européen) : pantalon bouffant, cape et casque colonial, on peut voir un fusil accroché à la selle, supposé le protéger des dangers potentiels lors de cette expédition ou de chasse au lion. Il prend la pose de 3/4, l'allure fière, le regard tourné vers l'artiste, soit le spectateur.
Deux photographies sont collées en haut de l'estampe. L'une est en couleur représentant un projecteur de cinéma posé sur deux grands livres ; et l'autre, couleur sépia, représente une caravane de chevaux sur une dune au milieu d'un désert. Elle représente une harde de guerrier à cheval en plein galop.
La couleur sépia évoque le passé, le 19ème siècle. Le sujet rappelle le temps des grandes expéditions réservées à quelques artistes privilégiés et militaires explorateurs. Cette scène rappelle les peintures orientalistes du 19ième siècle. Des peintres accompagnaient les expéditions, réalisaient des croquis de scènes typiques, prenaient des notes pour peindre par la suite dans son atelier. Ils diffusaient et rapportaient telles des cartes postales, des clichés de scènes de vie quotidienne ou relatant la culture, coutumes et architectures locales.
Tintin reprend les mêmes composants : éléments et couleurs, symbolisant le désert et l'aventure exploratrice.
Les 2 hommes prennent la pose, ils sont statiques, c'est un portrait posé. Cette scène est donc une fiction, que les personnages aient existés ou non, car l'image est mise en scène. C'est un cliché, dans les deux sens du terme, une image stéréotypée et une photographie d'un instant. Les couleurs et les différents éléments correspondent à l'idée préconçue, un stéréotype que l'on se fait du Sahara. Les personnages semblent tirés d'un carnet de voyage, esquisse d'un portrait d'explorateur, modèle d'une future toile.
La photographie du projecteur fait penser au cinéma donc à une image en mouvement, à un enchaînement de séquences. La photographie sépia donne le cadre, les circonstances de la scène. Associées au dessin et aux 2 notes, ces photographies font penser à un story-board qui donne les indications pour la construction d'un film, les enchaînements des scènes et des actions.
L'artiste met en scène la mémoire collective, dont son goût pour la nostalgie de l'aventure, de la découverte de contrées inconnues et le fantasme de l'exotisme. Il semble vouloir rappeler que l'Histoire se confond parfois avec les histoires qui la subliment et la transforment.
Les deux livres sur lesquels est posé le projecteur de film peuvent être interprétés comme les deux versions d'une même histoire. Le projecteur de cinéma projette cette histoire et sous-entend un montage des enchaînements d'actions et de jeux de scènes simultanées, induisant un jeu de points de vue. L'Histoire s'écrit aussi de divers points de vues, dont 2 opposés, ceux des deux adversaires.
Cette mise en scène rapporte un fait historique ou raconte une fiction inventée et construite à partir d'une photo (re) trouvée. L'Histoire s'écrit de faits rapportés alors que la peinture, le cinéma et la photographie raconte des histoires. L'artiste crée un jeu sur la dualité et questionne sur l'enjeu des images produites.
Il joue sur les oppositions de notions : l'image en mouvement (caravane de cavaliers) et image statique (portrait), image construite (portrait) et image prise sur le vif (caravane de cavaliers), fiction (inventée à partir de.) et réalité (reportage de faits). L'artiste nous pose les protagonistes, les circonstances et c'est à nous de continuer le film qu'il a commencé dans son atelier, comme l'indique le titre. Où est la frontière entre réalité et fiction ?
L'œuvre est montrée et des cartes sur lesquelles sont imprimées des images et des mots sont distribuées aux élèves.
Chacun vient à son tour devant le groupe, présente sa carte, en fait une description ou une élucidation (mots). Ensuite l'enfant met en relation l'image ou le mot avec l'œuvre qui est devant le groupe.
Les élèves sont appelés suivant un ordre donné, ce qui leur permet de s'approprier l'œuvre en pointant ce qui relève de la technique (champ matériel), des actions engagées par l'artiste (champ plastique), du sens (champ iconique), de l'interprétation et de l'évocation (champ interprétatif).
Il s'agit de manière ludique de s'emparer de trois ou quatre mots (tirés au hasard dans le corpus), et de faire une phrase en rapport avec l'œuvre exposée.
Ces phrases ainsi construites, donnent un éclairage différent en matière d'interprétation de l'œuvre.
Ce jeu peut être posé, une fois les mots et les images découverts.
Ces phrases peuvent se référer au contexte matériel, iconographique, interprétatif de l'œuvre.