L’HOMME QUI RÉTRÉCIT  dossier pédagogique « NANOUK »

L’HOMME QUI RÉTRÉCIT dossier pédagogique « NANOUK »

RESUME

Un jour d’été, en vacances avec sa femme, Robert Scott Carey croise en bateau un étrange nuage laissant sur son corps de mystérieuses paillettes phosphorescentes. Six mois plus tard, le voici comprenant progressivement qu’il rapetisse, qu’il perd du poids. La télé, la radio, les journaux s’emparent du phénomène, traquant le couple Carey et faisant de leur vie un enfer.

Scott, ne mesurant plus que quelques centimètres, est pourchassé par le chat de la maison et se retrouve accidentellement précipité dans le sous-sol de sa maison. Louise, sa femme, le croyant mort, quitte le domicile, laissant Scott en proie à tous les dangers et toutes les difficultés qui guettent un homme réduit à la taille d’une fourmi…

GENERIQUE

Titre original : The Incredible Shrinking Man
pays d’origine : États-Unis

Année de sortie : 1957

durée : 81 minutes

Réalisation : Jack Arnold
Adaptation et scénario : Richard Matheson
Image : Ellis W. Carter
Montage : Albrecht Joseph
Effets spéciaux : Clifford Stine
Son : Leslie I. Carey, Robert Pritchard
Musique : Irvin Gertz (thème principal), Joseph Gershenson (supervision)
Direction artistique : Robert Clatworthy, Alexander Golitzen
Décors : Russell A. Gausman, Ruby R. Levitt
Production : Albert Zugsmith pour Universal International Pictures
Interprétation : Grant Williams (Robert Scott Carey), Randy Stuart (Louise Carey), April Kent (Clarice), Paul Langton (Charlie Carey), Raymond Bailey (Dr Silver), William Schallert (Dr Bramson)

 

Jack Arnold, petit maître d’un cinéma fantastique humaniste

Quand « L’homme qui rétrécit » sort en salles le 22 février 1957, Jack Arnold n’est pas un réalisateur bien identifié par les cinéphiles. Sa réhabilitation, toute partielle, et la prise en compte de ses œuvres de science-fiction réalisées dans les années 50 ne viendront qu’au début des années 70. Pourtant, fort de son exigence en matière d’effets spéciaux et en s’associant à Clifford Stine (directeur de la photographie et technicien des effets visuels), Arnold, artisan efficace à qui l’on doit alors quelques westerns, est vite devenu au sein des studios Universal l’ambassadeur d’un genre minoritaire mais prisé par un public amateur de magazines pulp, de nouvelles et de romans populaires.

Venu du documentaire, Arnold réalise trois films marquants en à peine trois ans : Le Météore de la nuit (1953), L’Étrange Créature du lac noir (1954) et Tarantula ! (1955). Trois séries B, certes, mais trois tentatives différentes, relevant chacune d’un fantastique moralement à contre-courant des tendances de l’époque. Trois œuvres où l’humanisme et la compréhension l’emportent sur la peur et le rejet de l’autre. Trois films permettant accessoirement au studio Universal de renouer avec son histoire et avec la galerie de monstres qui, de Dracula à Frankenstein en passant par La Momie et L’Homme invisible, firent ses grandes heures au début des années 30.

 

Richard Matheson, de la littérature au cinéma

Depuis sa nouvelle « Le Journal d’un monstre » en 1950, Richard Matheson enchaîne les récits brefs avant de signer son premier roman, « Je suis une légende », en 1954. Au cœur de ses préoccupations, écrit Daniel Riche dans son essai Itinéraire de l’angoisse, il y a, dès ses débuts, « l’angoisse, cette disposition fondamentale qui nous place face au néant, et la solitude, mais aussi la hantise d’un certain déterminisme, d’une certaine inéluctabilité des choses et des événements, et le sentiment de la profonde vulnérabilité du genre humain ».

En écrivant « L’homme qui rétrécit » en 1956, Matheson creuse ses préoccupations humanistes et rêve déjà de grand écran. Car tel était bien son projet : vendre les droits du livre à un studio, à condition qu’il puisse lui-même l’adapter. Pari réussi : le film entre en production avant même que le livre ne sorte en librairies.

Si cette première transposition est un coup de maître, d’autres, fameuses, suivront. Matheson adapte lui-même certains de ses écrits : une quinzaine d’épisodes de « La Quatrième Dimension » entre 1959 et 1964, « Quelque part dans le temps » de Jeannot Szwarc en 1980…

Ses œuvres sont adaptées par d’autres, comme « Duel » de Steven Spielberg en 1971.

On lui doit également quatre adaptations très libres d’Edgar Allan Poe  La Chute de la maison Usher », « La Chambre des tortures », « L’Empire de la terreur » et « Le Corbeau ») pour le cinéaste Roger Corman entre 1960 et 1963.

 

Le contexte des années cinquante

L’époque est à l’inquiétude face aux possibles dérives de la science, face à la menace nucléaire qu’attise la Guerre froide. Et si « Le Météore de la nuit » – dans la lignée du Jour où la Terre s’arrêta de Robert Wise en 1951 – prônait un discours de paix, si le scientifique responsable de la mutation de « Tarantula ! » était mû par de louables intentions (la lutte contre les famines engendrées par la surpopulation), ce nouveau film va permettre à Jack Arnold d’explorer un fantastique plus quotidien et de se détourner des figures d’extraterrestres ou de monstres pour fouiller la psychologie de ses personnages, pour mettre en scène un danger venant paradoxalement de la normalité la plus prosaïque. Le réalisateur peut pour cela s’appuyer sur des acteurs qui ne sont pas des habitués du genre et sur un scénario qui ne lâche presque rien de la précision avec laquelle Matheson décrivait les atermoiements de Scott Carey dans son roman.

 

Adapter un livre pour le réinventer

Le film réorganise le récit, le traite chronologiquement, quand le livre était structuré en flash-back. Ceux-ci éclairaient le processus de rétrécissement de Scott, ses effets sur son couple, et ramenaient les souvenirs de sa vie d’avant, la recension des différentes étapes de sa « maladie ». C’était avant tout, pour Matheson, un choix pragmatique, après une première tentative plus linéaire où « les bonnes scènes tardaient trop à arriver » (l’auteur préférant entamer le roman presque directement sur la confrontation avec l’araignée). Pour son adaptation, Matheson conservera pourtant une structure analogue et c’est, dans l’ombre, un scénariste non crédité au générique – Richard Alan Simmons – qui réécrira le scénario dans la chronologie.

Du livre au film, aussi, Scott n’a plus d’enfant (dans le roman, il est le père d’une petite fille, Beth, ce qui donne lieu à un passage assez cruel : « Scott n’ayant plus son mètre quatre-vingt-cinq, sa voix n’étant plus celle qu’elle lui connaissait, elle ne le considérait plus vraiment comme son père. Un père était immuable, on pouvait compter sur lui, il ne changeait pas. Scott changeait. Il ne pouvait donc plus être le même, ni traité de la même façon (…) À ses yeux, il avait cessé d’être un père pour devenir une curiosité ».

Et ce que la littérature permettait de détailler du désir de Scott pour Louise (puis, un temps, pour une baby-sitter), du sentiment d’impuissance le gagnant à mesure qu’il ne pouvait plus physiquement satisfaire une femme l’infantilisant, le scénario le remise dans la part inconsciente du récit, désexualisant bientôt son héros et concentrant l’action sur les motifs de la survie et de la renaissance.

Quelques analyses auront toutefois, au fil des années, associé la mise à mort de l’araignée par une aiguille/épée phallique au retour triomphant d’une virilité bafouée. Mais il convient de reconnaître que Matheson lui-même sut se défaire de certaines lourdeurs psychanalytiques courant dans les pages de son roman, et que cette interprétation nuit quelque peu à la candeur et au premier degré que requiert le visionnage d’un film comme celui-ci.

 

La nature reprend ses droits

Cette araignée menaçante fait écho à celle que Jack Arnold filmait un an plus tôt dans « Tarantula ! ». Dans nombre de films alors, des monstres victimes de radiations, de mutations génétiques, attaquaient la ville, traduisant la peur du nucléaire, que l’on retrouve ici sous la forme d’un « brouillard radioactif ».

Au-delà, ces films parlent également du fantasme d’une nature reprenant ses droits, où les chats ne sont plus domestiqués, où les arachnides ne sont plus écrasés. Stricto sensu, d’ailleurs, le danger dans « L’homme qui rétrécit » vient de la mer, ainsi que l’illustre la toute première séquence du film et du roman, cet élément aqueux pourvoyeur de la métamorphose à venir, c’est aussi cette brume d’où, quelques années plus tôt, émergeait la mythique créature du lac noir, filmée par le même cinéaste.

 

Un fantastique à hauteur d’homme

De l’abstraction et du genre

Qu’y a-t-il dans cette brume que traverse Scott Carey au tout début du film et qui dépose sur son corps d’étranges paillettes phosphorescentes ? Nous n’en saurons guère plus que ce que le terme « brouillard radioactif » permettra un peu plus tard de suggérer. Là n’est pas la visée du film, encore moins celle du scénariste Richard Matheson qui ne s’encombrait, ni dans son roman ni dans le film, de vraisemblance. Ses détracteurs purent d’ailleurs moquer ce manque de rigueur scientifique ; Matheson l’assumait totalement.

Comme le brouillard qui ramène les fantômes dans « Fog » de John Carpenter (1980), on prendra cette brume flottant sur l’océan comme un pur recours graphique, une abstraction plastique permettant d’enclencher le récit ou de figurer l’inquiétude. Puis la menace.

« L’homme qui rétrécit » rompt en cela avec une tradition bien établie du cinéma fantastique où un personnage est acteur (et responsable) de sa transformation. Pensons à L’Homme invisible de James Whale (1933, d’après H.G. Wells), au « Dr Jekyll & Mr Hyde » de Victor Fleming (1941, d’après Robert Louis Stevenson), voire, plus accidentellement et plus récemment, à « La Mouche » de David Cronenberg (1986). Y sont mis en scène des scientifiques dont les recherches tournent mal et qui vont en payer le prix.

À l’inverse, Scott Carey est un quidam qui n’a rien cherché, rien demandé, qui se retrouve projeté, selon le célèbre précepte hitchcockien du « faux coupable », dans une situation extraordinaire. Sans doute est-ce aussi pour cela – au-delà du fait qu’il soit celui qui prend en charge la narration (on y reviendra) – que le spectateur peut aussi facilement s’identifier à son point de vue…

 

Un art de l’ellipse

Les germes de la transformation sont donc là dès la première séquence, à travers cette brume traversée par le personnage. Plus encore, la métamorphose est annoncée dès le générique, dont la stylisation permet de montrer en négatif une silhouette rétrécissant à vue d’œil. S’il y a bien, avant l’arrivée du brouillard, une exposition, la voici expédiée en quelques dialogues enlevés qu’on pourrait croire empruntés à une comédie du remariage. Passé les présentations du couple Carey, Jack Arnold nous propulse d’emblée dans le fantastique, obéissant à une pure logique de série B où la concision et l’efficacité font loi, où les enchaînements de séquences se révèlent précisément millimétrés.

Ainsi de cette brume, toujours elle, qu’aucun événement ne vient expliquer, qui est simplement là, sans fioritures, enclenchant immédiatement le récit et au sujet de laquelle Stéphane Bex écrit « La présence incongrue du nuage sur la mer, que ne précède aucune explosion, prend ici figure d’apparition épiphanique, nuée céleste et divine dont la Bible est remplie et dont le héros ne percevra le sens qu’en l’incorporant, à travers un trajet initiatique » (Aux frontières du voir, Éditions Rouge profond, 2020).

Le film fuira les explications trop rationnelles, abandonnant vite les figures de médecins, laissant à l’arrière-plan les justifications dont le livre de Matheson n’était pas avare. Même si, comme le reconnaît l’écrivain Stephen King à leur propos dans son essai Anatomie de l’horreur (1995), « il s’agit là de la plus minime des concessions au rationalisme, l’équivalent de ce qu’étaient jadis les pentagrammes, les charmes et les passes magiques ».

L’ellipse est ainsi au cœur d’une première partie ne tardant pas à distiller les indices d’un dysfonctionnement, puis les preuves factuelles d’une métamorphose en cours. Petit rappel : « On parle d’ellipse chaque fois qu’un récit omet certains événements appartenant à l’histoire racontée, “sautant” ainsi d’un événement à un autre en exigeant du spectateur qu’il comble mentalement l’écart entre les deux, en restituant les chaînons manquants. » (Jacques Aumont & Michel Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Nathan, 2001).

Ainsi, quand on retrouve les Carey rentrés de vacances, six mois se sont passés. L’écoulement du temps est explicitement mentionné par la voix off (et non par un traditionnel carton) et nous ne sommes que dans la deuxième séquence. Où l’anomalie donnant son titre au film est présente d’emblée, Scott constatant ce matin-là que son pantalon, mais aussi sa chemise, paraissent désormais trop grands. Dans la première demi-heure du film, les scènes se succèdent, parsemées de micro révélations sur le processus en cours : Louise doit se hisser sur la pointe des pieds pour embrasser Scott, l’alliance de celui-ci glisse de son annulaire…

De la même manière qu’une toise murale porte, pour un enfant qui grandit, les empreintes d’une évolution sans montrer ce qui s’est passé entre deux coups de crayon, entre deux repères, le film procède par ellipses, par brusques à-coups qui viennent parfois brouiller la temporalité (pensons à ce moment où Scott avoue à Louise être allé voir le médecin une semaine plus tôt, alors que leur conversation correspondait, croyait-on, au soir faisant suite à cette première consultation).

Le roman de Richard Matheson était construit en flash-back, chaque souvenir saillant correspondant à la recension d’une taille précise valant, en décroissant, pour en-tête d’un nouveau chapitre. Dans le film, c’est surtout au moment d’introduire un nouveau personnage, qui ne soit ni le couple ni un médecin, que l’ellipse virera au tour de force et au procédé visuellement spectaculaire. Nous parlons de cette séquence inouïe où Charlie Carey apparaît pour la première fois, s’adressant à son frère, parlant des dettes de leur entreprise, tandis que la mise en scène semble se gripper, le contrechamp se faisant étrangement attendre. Et pour cause, puisque lorsqu’il adviendra finalement, il révélera Scott assis dans un fauteuil désormais bien trop grand pour lui, avec cette taille de garçonnet dont une stridence orchestrale souligne l’incongruité.

Bref écho « Aux Bons Petits Diables » incarnés par des Laurel et Hardy miniaturisés et infantilisés dans un court métrage de James Parrot en 1930 ?

« C’est le moment où il devient dissemblable de lui-même d’une manière qui le sépare de la communauté de tous les autres », écrivait Philippe Arnaud à propos de ce saisissant contrechamp. Et ce sera l’avant-dernière ellipse notable de cette première partie. Juste avant celle, déchirante, où, ayant cru pouvoir se reconstruire, Scott constate en se levant d’un banc que Clarice, la petite femme rencontrée aux abords de la foire, est désormais, à l’instar de Louise, elle aussi plus grande que lui. Viendra ensuite la scène de la maison de poupée, point de rupture précédant la chute du héros dans la cave.

À l’instar de « L’homme qui rétrécit », de nombreux films fantastiques ayant à voir avec la transformation ont ainsi utilisé l’ellipse (ne serait-ce que pour figurer et suggérer la métamorphose quand des effets spéciaux ou des maquillages peu élaborés ne le permettaient pas aussi aisément qu’aujourd’hui). Ainsi, « La Mouche » de David Cronenberg, lui-même remake d’un autre film fantastique de Kurt Neumann, tourné en 1958 : « La Mouche noire ».

 

De L’homme qui rétrécit à La Mouche : regards de femmes

Dans « L’homme qui rétrécit », comme dans « La Mouche », une femme est témoin de la déchéance physique de l’homme qu’elle aime. L’une, Louise Carey, le perdra de vue en chemin (« L’homme qui rétrécit » empruntant dans sa deuxième partie la voie d’un film d’aventures où Scott se retrouve seul au monde).

L’autre, Veronica Quaife, l’accompagnera au seuil de la mort, « La Mouche » étant aussi une métaphore des effets dévastateurs de la maladie sur le corps et l’esprit.

Il faut relever comme le devenir-insecte de Seth Brundle résonne avec celui de Scott Carey selon des modalités graphiques (allusives chez l’un, éminemment gores chez l’autre) évidemment toutes différentes. Si leurs trajectoires sont, dans un premier temps, inversées (Seth gagne en puissance tandis que Scott se sent amoindri), elles demeurent arrimées au regard du personnage féminin, tout comme le « Mary Reilly » de Stephen Frears en 1996 offrait un point de vue inédit (celui de sa servante) sur l’étrange cas du Docteur Jekyll.

Ainsi, chacune des nouvelles visites de Veronica au laboratoire de celui qui se baptise désormais « Brundlefly » nous permet d’appréhender les étapes de sa transformation. Et Louise est – du déni à l’acceptation en passant par le rejet inconscient – la mieux placée pour suivre la lente et inexorable transformation de Scott Carey, la seule dont il continue, jusqu’à leur brutale séparation, de tolérer le regard.

On pourrait aussi, toujours en comparant les deux films, gloser sur leur dimension sexuelle (impuissance à venir de Scott Carey contre puissance virile décuplée de Seth Brundle. Mais relevons surtout que la transformation du scientifique n’entame en rien l’amour que lui porte Veronica. Dans « L’homme qui rétrécit », c’est l’inverse : Louise se défait peu à peu de son mari. Sans doute l’infantilise-t-elle involontairement à mesure qu’il rétrécit, sans doute ne le désire-t-elle plus, choses d’ailleurs beaucoup plus explicitement formulées par Matheson dans son livre :

« Était-ce un effet de son imagination ou lui parlait-elle vraiment comme à un petit garçon ? (…) d’un mouvement instinctif, il posa sa joue sur l’épaule de Lou. Erreur, fit une voix dans sa tête. Ce geste lui donnait encore davantage l’impression d’être un petit garçon se blottissant contre sa mère ».

« Il ne fit pas un geste. La caresse, le baiser de Lou, le ton de sa voix n’étaient pas ceux d’une femme sensible au désir de son époux. On y sentait seulement la pitié que lui inspirait une pauvre créature qui la désirait. »

Un an plus tard, crise conjugale toujours ! Nathan Juran signe « L’Attaque de la femme de 50 pieds », un film bien moins réussi, que l’on ne peut s’empêcher de comparer à celui de Jack Arnold. S’il revient au motif du gigantisme auquel Arnold se confrontait déjà avec « Tarantula ! », il peut aussi être vu comme une variante féministe de « L’homme qui rétrécit » (encore plus si l’on se réfère au remake réalisé par Christopher Guest en 1993) : si le couple Carey semblait respirer l’harmonie, celui que l’on découvre dans ce film est d’emblée en crise et la furie dévastatrice de Nancy Archer est bel et bien motivée par sa jalousie et sa colère à l’encontre d’un mari volage.

En 1961, un épisode de « La Quatrième Dimension » intitulé « Les Envahisseurs », justement scénarisé par Richard Matheson, un, s’apparente, dans son retournement final, à ce même motif de la femme géante d’abord victime puis vengeresse. C’est aussi (comme la deuxième partie de « L’homme qui rétrécit ») un « survival » avec un personnage unique se démenant dans un espace domestique a priori sans danger. La lutte menée par cette fermière mutique contre de minuscules envahisseurs se déroule sur le toit de sa grange, en opposition au sous-sol défendu par Scott Carey. Et tandis que cette femme est à la recherche d’êtres minuscules dont elle croit qu’ils la persécutent, Louise Carey (qui s’apparente par la force des choses à une géante et ne peut tout simplement pas voir Scott) n’est absolument pas consciente de sa présence dans la cave. Définitivement, les interactions sont condamnées, Scott n’appartenant plus au même monde qu’elle…

 

Un devenir-freak ?

Il faut relever une différence fondamentale entre le titre original du film de Jack Arnold et sa traduction française ; entre le titre original du roman de Matheson (« The Shrinking Man ») et celui de son adaptation – imposé par le producteur Albert Zugsmith. C’est la présence de l’adjectif « incredible », qui questionne notre capacité de spectateur à accepter un tel postulat de fiction et qui renvoie encore plus à un titre de journal à sensations.

De fait, Scott est devenu une célébrité. Son sort étrange a dépassé les portes de l’institut médical et les journalistes se sont intéressés à lui : « Il se remémora le journal, tout là-haut, et revécut l’atroce invasion de son foyer par les photographes (…) Et de nouvelles propositions étaient arrivées. Pour la radio, la télévision, des passages sur scène ou dans des boîtes de nuit, des articles de toutes sortes de magazines peu reluisants (…) les gens s’attroupaient devant sa porte, allant parfois jusqu’à lui demander un autographe. »

Dans son livre, on le voit, Matheson relatait précisément ce que la mise en scène minimaliste d’Arnold tient hors-champ, de l’autre côté des portes et fenêtres des Carey, à l’extérieur de l’espace domestique où se développe et se circonscrit le récit.

Le point de vue de la foule sur la monstruosité est traité explicitement dans le roman : « En huit jours, alors que le Globe Post n’avait publié que la moitié de son feuilleton, il était devenu une célébrité nationale. On le demandait un peu partout. Des hordes de journalistes se pressaient à sa porte. Mais c’était surtout les gens de la rue, les curieux, qui brûlaient de voir l’homme qui rétrécissait pour pouvoir ensuite se dire : Dieu merci, moi, je suis normal. ».

Dans le film, ce point de vue, le réalisateur le traite indirectement, par l’entremise d’une subtile référence à « Freaks » réalisé par Tod Browning en1932. Il s’agit bien sûr de cette séquence où Scott, dépité, s’enfonce dans la nuit pour arriver aux abords d’une fête foraine près de laquelle il va rencontrer Clarice. Il n’est point besoin pour Arnold d’insister, d’ailleurs Scott se bouche les oreilles et rebrousse chemin, ne se confrontant pas directement à l’univers des monstres de foire et de ceux qui les exploitent. Il a suffi d’un plan sur la foule et sur un bonimenteur, nous rappelant celui dont les mots ouvraient « Freaks » : « Ils vous ont fait rire… et trembler. Pourtant, si le hasard l’avait voulu, vous pourriez être l’un d’eux. »

Le possible devenir de Scott nous saute alors aux yeux et l’on comprend soudain qu’il n’appartiendra plus jamais aux rangs de la « normalité ».

Dans cette parenthèse du récit (un passage de moins de dix minutes), Scott croit pouvoir retrouver l’amour en la personne de Clarice, qui partage avec lui une taille hors du commun. Il ne cherche pas la différence (contrairement à Hans, le nain de « Freaks », qui convoitait plus beau que lui en la personne de Cléo l’acrobate), il cherche quelqu’un de semblable. Ce que Louise, sa femme, ne peut plus être. Espoir de courte durée, vite douché quand le processus de rétrécissement reprend son cours et que Scott ne pourra dissimuler devant Clarice son désarroi… et sa honte.

 

Disparaître. Renaître. Témoigner.

Scott Carey est confronté au monde connu. Les rapports de taille incongrus se réfèrent à des animaux familiers (chat, oiseau, araignée), à des objets que nous pouvons saisir (meubles, allumettes, clous, épingle). Mais la fin du film et du livre – ouvertes toutes deux – déploie le récit vers l’inconnu, vers des mondes insoupçonnés d’aventures et de fantasy, comme pourraient, par extension, l’illustrer des fictions de miniaturisation plus récentes comme « Epic, la bataille du royaume secret » de Chris Wedge ou « Arthur et les Minimoys » de Luc Besson.

« Les gouttelettes laissées par le rideau de brume se sont métamorphosées en étoiles brillant au sein de la voie lactée, nouveau brouillard étendu à l’échelle cosmique, manteau enveloppant le héros de l’intérieur, comme de l’extérieur »

Stéphane Bex

 

La fin de « L’homme qui rétrécit » voit non seulement microcosme et macrocosme se rejoindre et se superposer par le truchement du montage, elle est aussi, possiblement, un passage vers de nouvelles péripéties, vers un tout autre imaginaire.

En quittant la maison dans laquelle il demeurait enfermé, Scott s’arrache au décor balisé, faussement rassurant peut-être, de l’Amérique des fifties. Le jardin où il s’avance enfin est un terrain vierge que le film n’avait jusqu’alors jamais foulé, un espace de réinvention. La fin du film est une échappée vers un autre ordre de grandeur, la prise de conscience que, face à la nature, l’homme n’est pas la mesure de toute chose. La toute dernière phrase du roman (« Scott s’élança dans son nouvel univers, tous sens en éveil ») est une brèche vers des choses indicibles qu’un homme ne peut plus raconter.

Pourtant, d’on ne sait où, Scott raconte son histoire. Celle-ci n’est peut-être pas finie. Comme si le film, alors, était un immense flash-back.

« Des gamins, songea-t-il. Des gamins qui chantent, grandissent et trouvent ça normal. Il les regarda avec une pointe d’envie. »

Une telle construction à rebours du développement biologique ne serait pas sans évoquer « L’Étrange Histoire de Benjamin Button » (David Fincher, 2008) s’il s’agissait de « rajeunir » plutôt que de rétrécir. Une fois encore, l’histoire de Benjamin Button est prise en charge par une femme-témoin, enchâssée dans un immense flash-back et se cognant contre un événement final qui était bel et bien un achèvement : la mort de Button, vieil homme sénile dans un corps de nourrisson.

Ailleurs, dans cette nouvelle majeure du fantastique qu’est « Le Horla » de Guy de Maupassant (1887), le récit, sous forme de journal, s’achevait en même temps que le narrateur sombrait dans la folie et ne pouvait plus raconter. Mais la voix de Scott Carey a un statut plus étrange, puisque par-delà sa disparition et la fin des péripéties montrées à l’écran, elle aura continué de résonner pour narrer son histoire. Ce n’est pas une mort ou une impossibilité d’écrire qui met fin au récit. La voix off qui l’a pris en charge depuis le début échappe à la logique et s’impose comme pur artifice. Si elle paraît par instants raccord avec la rédaction du journal intime de Scott, elle semble venir le plus souvent d’un autre temps (le futur ?), d’une autre dimension. C’est la voix d’un protagoniste omniscient qui n’est pas tout à fait le même que celui que nous voyons agir à l’écran. Persistance sans doute, par-delà le travail d’adaptation, d’un roman qui était, lui, raconté à la troisième personne.

Ce statut trouble crée une distance schizophrénique entre narrateur et personnage, une ambiguïté absente du livre de Matheson, qui participe de la coloration fantastique d’un film dont la nature de l’énonciation plonge, lorsque défile le générique de fin, dans un vertige encore redoublé…

 

Une lecture de l’affiche originale

L’affiche originale de « L’Homme qui rétrécit » est signée par l’illustrateur américain Reynold Brown. Né en 1917, il a commencé, après la Seconde Guerre mondiale, à dessiner des couvertures pour des journaux, des magazines ou des livres. Il est engagé au début des années 50 par le directeur artistique des studios Universal pour réaliser des affiches de films.

On lui doit notamment celles de longs métrages antérieurs de Jack Arnold comme « L’Étrange Créature du lac noir » et surtout « Tarantula ! », où il joue pleinement sur les échelles et sur l’effet de terreur produit par l’irruption d’une araignée mutante dans une petite ville américaine. Un an après « L’homme qui rétrécit », son affiche iconique pour « L’Attaque de la femme de 50 pieds » de Nathan Juran reprend le motif d’un être gigantesque attaquant des humains microscopiques. Vient ensuite la célèbre affiche de « Ben-Hur » qui joue sur une typographie monumentale pour figurer le caractère épique du péplum de William Wyler.

Le travail sur les proportions est au cœur de son illustration pour « L’homme qui rétrécit ». Le mot « Shrinking » voit le lettrage s’amoindrissant désigner son sens même, préfigurant les effets d’optique dont nous serons témoins et jouets. Sous la phrase d’accroche, Brown empile dans une image carrée un maximum d’éléments pourtant disjoints dans le film : paire de ciseaux, bobine de fil, boîte d’allumettes et grillage du soupirail. Autant d’objets appartenant à des espaces différents, à des séquences séparées les unes des autres. Au même titre que son affiche sensationnelle pour « Tarantula ! » ne correspondait à aucune scène du film, c’est qu’il s’agit surtout pour l’affichiste de styliser, d’évoquer, et non de reproduire.

Il peut être amusant dès lors de jouer au jeu des sept erreurs, de repérer ce qui ici ne correspond pas au film que l’on a vu. À commencer par le personnage principal qui n’est pas aussi musclé à l’écran et qui jamais ne porte un débardeur faisant ainsi valoir ses biceps saillants. De même, si le chat le menace à travers une fenêtre puis derrière une porte, on ne le voit jamais dans le film derrière un grillage. Sur l’affiche, ce grillage figure une cage préservant le héros d’une menace. Mais dans le film, la seule cage sera plutôt celle – toute symbolique – dans laquelle Scott Carey est enfermé. Peu importe aussi que la pochette d’allumettes ne soit plus une boîte coulissante où il peut se glisser : le dessinateur choisit l’expressivité du trait plutôt que la stricte fidélité aux accessoires utilisés durant le tournage.

On peut enfin voir dans cette illustration une mise à nu des procédés techniques employés pour faire coexister dans le même plan des animaux gigantesques et un homme minuscule. Scott se situe bel et bien à l’extérieur d’un cadre blanc dont ses pieds dépassent. Devant un quadrilatère qui pourrait figurer l’écran de cinéma, celui-là même que le trucage par transparence requiert. Face à l’acteur, donc, les accessoires de décor servant au tournage en studio. Et au deuxième plan, mais écrasant tout par sa taille encore contenue dans les limites d’un sur-cadre, la projection (le cinéma, littéralement) catapultant l’impossible dans un espace partagé par l’homme et par la bête.

 

« Mini, mini, mini »

Les occurrences de héros miniaturisés sont trop nombreuses dans l’histoire du cinéma pour qu’on les recense toutes. On s’attardera plutôt ici sur quelques exemples dont on pourra mettre à profit les oppositions ou ressemblances avec le film de Jack Arnold.

Une référence assez évidente, qui plus est dans le champ du cinéma pour enfants, est le premier film de Joe Johnston, « Chérie, j’ai rétréci les gosses » (1989). Directeur artistique sur la première trilogie « Star Wars et sur les deux premiers « Indiana Jones », Johnston s’empare des motifs du film de 1957 pour les réinjecter dans une comédie familiale de haute volée. Le jardin y devient une jungle dangereuse, où les insectes atteignent des tailles disproportionnées, comme ce sera aussi le cas dans le film d’animation « Epic, la bataille du royaume secret » de Chris Wedge en 2013. Dans ces deux films, la raison du rétrécissement est différente (expérience tournant mal chez Johnston, magie chez Wedge), mais tous deux partagent néanmoins la figure d’un papa inventeur zinzin dont il faudra que les enfants miniaturisés parviennent à dessiller les yeux pour être sauvés.

Une expérience médicale, cette fois, est au centre du « Voyage fantastique » de Richard Fleischer (1966), où un petit groupe de médecins est inoculé dans le corps d’un scientifique, objet de toutes les attentions, pour, en pleine guerre froide, sauver sa vie chancelante. Si « Chérie, j’ai rétréci les gosses » était la variante familiale eighties de « L’homme qui rétrécit », c’est « L’Aventure intérieure » de Joe Dante, qui, en 1987, constituerait le pendant du film de Fleischer. À nouveau, une expérience tourne mal, le lieutenant Tuck Pendleton se voyant injecté dans le corps de l’hypocondriaque Jack Putter en lieu et place du lapin sur lequel devait être mené le test. Tous deux devront faire équipe et se démener dans les soubresauts d’une obscure et loufoque intrigue d’espionnage industriel.

Si un dessein médical est au cœur de ces deux films, la science et ses visées humanistes dévoyées sont souvent prétextes aux expérimentations les plus folles. Ainsi, dans « Les Poupées du diable » de Tod Browning (1936), la préoccupation du savant testant la miniaturisation est bien de réduire le problème de la surpopulation (louable souci, semblable à celui du Professeur Deemer qui, dans « Tarantula ! », fera grossir les aliments – puis accidentellement des animaux – pour lutter contre la faim dans le monde).

D’autres, mus par la démence, se passent de raisons valables, tel le savant de « Docteur Cyclope » (Ernest B. Schoedsack, 1940), film visuellement étonnant dont le recours aux transparences, mais encore plus aux décors et accessoires géants, anticipe les procédés utilisés par Jack Arnold et Clifford Stine pour « L’homme qui rétrécit ». On y retrouve même une scène avec un chat menaçant les héros miniaturisés ; motif courant ensuite dans l’histoire de la « pop culture », d’un épisode des Mystères de l’Ouest (Night of the Raven, 1966), à une quelconque planche de Peyo mettant en scène Azraël face aux Schtroumpfs !

Contemporain cinématographique de Scott Carey, Tom Pouce est, dans la comédie musicale de George Pal (« Les Aventures de Tom Pouce », 1958), un être à nul autre pareil, le seul de son espèce, sans que cela ne lui pose d’ailleurs le moindre problème d’adaptation.

Mais, soixante ans après cette version haute en couleur du conte des frères Grimm, Alexander Payne imaginera, dans le futur grisâtre de « Downsizing », que 3 % de la population mondiale mesure désormais, tel Tom Pouce, une douzaine de centimètres. Et cela volontairement. L’expérience au cœur d’un film conscient des enjeux climatiques actuels vise, en même temps qu’à améliorer le niveau de vie des postulants, à lutter encore une fois contre la surpopulation, à réduire les déchets. Et contrairement à l’environnement quotidien devenu hostile dans « L’homme qui rétrécit », le monde des « petits » y est normal, domestiqué, sous cloche et à la mesure de ce nouveau standard. La confrontation entre « petits » et « grands » n’est d’ailleurs un sujet qu’au début du film. Et si la femme de Paul Safranek (Matt Damon) renonce au dernier moment à changer de vie, la voici exclue d’un récit prenant une autre voie, alors que Scott Carey n’avait, lui, de cesse de maintenir le lien avec son épouse Louise.

Raccord avec un cinéma numérique qui, pouvant tout, n’a plus besoin de recourir aux effets de perspectives ou aux décors truqués – un cinéma qui, en un mot, n’étonne plus – le film d’Alexander Payne troque la folie de l’expérience tournant mal, la logique de l’accident, contre un processus de miniaturisation industrialisé, normatif et rémunérateur. En 2017, décidément, rétrécir, ce n’est plus ce que c’était !

 

Comics : transformation, rétrécissement et radioactivité

 Sur une couverture du magazine Marvel « True Believers » de 2018, le titre « The Incredible Shrinking Doom » remplace celui de « The Incredible Shrinking Man », et le super-héros Ant-Man s’y défend avec un clou, comme Scott Carey le faisait avec une épingle face à l’araignée. Le héros est sur le point d’être écrasé tel un vulgaire insecte, comme celui de « L’homme qui rétrécit » aurait pu l’être lorsque son frère, Charlie, est descendu couper l’eau. On retrouve aussi sur cette illustration une pochette d’allumettes (semblable à celle de l’affiche originale du film) et un pot de peinture entamé rappelant ceux entreposés dans le sous-sol des Carey.

Autant d’indices suggérant une parenté entre le héros inventé par Richard Matheson en 1956 et celui créé en 1962 par Stan Lee, Larry Lieber (scénaristes) et Jack Kirby (dessinateur). Plus encore, si l’on fait un détour par les deux adaptations cinématographiques signées Peyton Reed (« Ant-Man », 2015 ; « Ant-Man et la Guêpe », 2018), où l’on ne sera pas surpris que le héros interprété par Paul Rudd s’y prénomme Scott (Lang), clin d’œil sans doute volontaire au Scott (Carey) de Matheson.

Scott Lang n’est pourtant pas le premier homme qui rétrécisse de l’univers Marvel. Il y eut dans les comics un premier Ant-Man en la personne de Hank Pym, scientifique mettant au point un sérum permettant de rapetisser et devant affronter une colonie de fourmis (« Tales to Astonishing » n°27).

Quant à Scott Lang, son disciple, il ne deviendra le nouvel Ant-Man que bien plus tard, à la fin des années 70.

Rappelons enfin que dans ces histoires, la visée du rétrécissement n’est pas la philanthropie, mais bel et bien la volonté de développer une nouvelle technologie guerrière, comme dans « Le voyage fantastique ».

Il y a cependant une différence fondamentale entre les deux Scott : c’est que le processus permettant à Ant-Man de rétrécir est réversible. Ce contrôle permet au personnage de passer du statut de gentil loser à celui de héros.

Au contraire, l’irréversibilité de la métamorphose de Scott Carey le fait passer du statut de l’homme à qui tout réussi, à celui de la une victime, jouet d’une malédiction.

Tout de même, la radioactivité a bon dos, dans « L’homme qui rétrécit » comme dans les bandes dessinées ! Souvenons-nous que c’est une araignée radioactive qui pique Peter Parker (Spiderman) et que c’est l’exposition aux rayons gamma qui va transformer le docteur Bruce Banner en incroyable Hulk. Si ce dernier développe une force extraordinaire, son pouvoir sera souvent traité comme un mauvais sort, quelque chose qu’il subit plus qu’il ne désire.

L’acceptation finale de la mutation est justement la grande singularité de « L’homme qui rétrécit » et ce par quoi il nous emmène dans des confins métaphysiques que se gardent bien d’explorer les autres films évoqués en ces lignes. Le rétrécissement y est sans fin, ouvert sur l’inconnu, il ne peut être défait sinon par la mort de Scott Carey, sinon par l’acceptation de devenir autre chose.

Le premier Ant-Man paraît quand même s’en souvenir quand, Scott Lang se retrouvant réduit à l’échelle subatomique, un court trip visuel rappelle les tout derniers plans de « L’homme qui rétrécit », où microcosme et macrocosme se mêlaient. Parenthèse expérimentale au sein du blockbuster, invoquant par la bande l’écho assourdi d’un Scott Carey rétrécissant jusqu’au stade infinitésimal.

 

Bibliographie

  • Daniel Riche, « Itinéraires de l’angoisse », dans La touche finale, nouvelles volume 5 de Richard Matheson, Flammarion, 2001
  • Richard Matheson, « L’homme qui rétrécit », Éditions Denoël, 1956.
  • Mathieu Rostac, « Jack Arnold, géant de la peur », dans le livret de la version restaurée de L’homme qui rétrécit éditée par Elephant Films, 2017.
  • Jean-Baptiste Thoret, « Voyage au bout de la femme », dans Simulacres n°1, Éditions Rouge profond, automne 1999.
  • Stéphane Bex, « Aux frontières du voir », chapitre « Perspectives détraquées », Éditions Rouge profond, 2020.
  • Philippe Arnaud, « Miniaturisation et gigantisation, le monde et l’humain », dans L’invention de la figure humaine, Cinémathèque Française, 1995.

 

Sitographie

Quelques affiches signées Reynold Brown

http://www.americanartarchives.com/brown,reynold.htm

 

Autour de l’œuvre du sculpteur Robert Therrien

https://gagosian.com/exhibitions/2017/robert-therrien/

https://gagosian.com/quarterly/2019/02/05/essay-robert-therrien-under-the-table/7

 

Autour de l’œuvre du photographe Gregory Crewdson

https://gagosian.com/artists/gregory-crewdson/

 

Notes sur l’auteur et biographie

Stéphane Kahn est critique de cinéma pour « Bref », le magazine du court métrage, depuis 1997, et pour « Blink Blank », la revue du cinéma d’animation, depuis son lancement en 2020.
Il est, au quotidien, programmateur à l’Agence du court métrage depuis 2000.

Il a également collaboré à la revue Repérages, au site Objectif Cinéma, a rédigé divers documents pédagogiques (pour École et cinéma notamment) et participé à des ouvrages collectifs consacrés au jeune cinéma français ou au court métrage.

Il tient entre 2006 et 2018 un blog autour du rock et de l’image et a réalisé depuis 2012 trois courts métrages expérimentaux autoproduits.