Fruits et graphismes

Le graphisme

D’un point de vue étymologique, le mot graphisme vient du grec graphein qui signifie écrire. Et plus concrètement : laisser une trace. En effet, de tous temps les hommes ont laissé des traces dans un souci de communication mais aussi comme moyen de montrer qu’ils existent dans le temps. Ainsi le graphisme s’inscrit dans une logique de communication et d’expression de soi.

Kurt Wyss, Jean Dubuffet dans son atelier

Cependant, produire une trace est une source de plaisir purement fonctionnel avant d’être le moyen d’une communication intentionnelle. En effet, le tout petit à l’école maternelle est d’abord dans la gestuelle plus que dans l’intention. Ainsi, selon Noëlle Bardot nous pouvons définir le graphisme sur trois niveaux :

Le niveau moteur :

Ici le geste est caractérisé par un mouvement : « le bras est tout d’abord mobilisé depuis l’épaule, puis l’enfant parvient progressivement à le contrôler depuis le coude et finalement depuis le poignet. Vient ensuite une maîtrise plus fine de la main et des doigts ». Le niveau moteur est donc le point de départ du graphisme. Ainsi, l’on peut fréquemment observer qu’en petite section les premiers tracés sont des balayages et des mouvements circulaires ininterrompus. Ici c’est le plaisir de la trace et du geste qui prédomine, c’est la main qui guide l’œil et non le contraire, il n’y a pas de réelle prise de conscience de la trace comme moyen de communication. On peut dire ici que l’élève est dans le faire, dans l’action.

Le niveau perceptif :

Liliane Lurçat a écrit « l’œil dirige la main », il faut donc apprendre aux élèves à éduquer leur regard car au départ ils n’ont pas vraiment conscience de la relation entre le geste qu’ils font et la trace produite. Ici le graphisme devient un geste plus contrôlé, moins aléatoire. Le geste devient réfléchi on va s’interroger sur la manière de le reproduire. Les élèves vont parvenir à arrêter leur mouvement, à le maîtriser et ainsi les premières formes apparaissent : zigzags, traits arrêtés, ébauches de cercles… Et à ce propos Marise Buffière De Lair et Marie-Thérèse Zerbato- Poudou s’interrogent sur la construction de ces formes : faut-il donc ici laisser libre choix à l’élève de tracer un rond en partant de la droite ou bien de la gauche ? En effet, ce qui est important c’est d’arriver à un résultat voulu. En graphisme il n’y a pas de sens,pas de conventions, la réponse dépend de la conception que nous avons du graphisme : Est-il ou non prémice de l’écriture ? (c’est une question qui divise beaucoup les théoriciens qui ont travaillé sur le graphisme). Et de plus les Instructions Officielles de 2002 ne nous aident pas dans notre choix car à la fois elles préconisent de dissocier les activités graphiques (graphismes, dessin, écriture) et d’autre part elles conseillent « d’encourager les enroulements dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, les tracés verticaux du haut en bas et horizontaux de droite à gauche ».

Joan Miro dans son atelier

Cependant la main ne remonte-t-elle jamais quand nous écrivons ? Et quand nous écrivons le chiffre 2 ou 3 notre geste ne part-il pas dans le sens des aiguilles d’une montre ?

Le niveau représentatif :

Ici c’est « la prise en charge de la fonction symbolique »,de l’intention figurative qui se manifeste à travers trois domaines : le graphisme, le dessin et l’écriture (que je définis dans le chapitre suivant sur les Instructions Officielles qui différencient ces trois activités). Ici nous nous trouvons dans la partie du graphisme qui se rapproche au plus prés du désir de communication. L’élève donne du sens à ces productions. Ainsi comme j’en ai parlé plus haut : y a –t-il un lien entre les activités graphiques et les activités d’écriture ? Pour MarysBuffière de Lair et Marie-Thérèse Zerbato-Poudou « il n’y a pas de filiation directe entre le graphisme et l’écriture, les difficultés qu’éprouvent les élèves à transférer les acquis graphiques dans l’écriture cursive le démontrent quotidiennement ».

Pour elles « les activités graphiques ont leur objectif propre qui est d’éduquer le regard et la main pour découvrir, tracer et créer des formes. » et je rajouterai que le graphisme, sans que ce soit au même titre que l’écriture, est aussi un moyen d’expression.

Le graphisme est donc la prise de conscience de l’espace, l’enfant apprend à reconnaître les limites et à découvrir l’organisation graphique. Ainsi il ne faut pas accorder aux exercices graphiques le seul but de préparer à l’écriture. En effet, les élèves vont apprendre à la fois à éduquer leur geste et leur regard et c’est pour cela qu’il me paraît essentiel de faire le rapprochement avec les arts visuels.

L’écriture possède une fonction sémiotique :

Le mot écrit représente un objet, une personne, un animal, une idée, mais aussi les sons de la langue (établissement du rapport graphie-phonie).

Pour conclure, on peut dire que le graphisme à l’école maternelle est à la fois « plaisir fonctionnel, moyen d’expression, stimulant la créativité, biais d’apprentissage et élément de contrôle des connaissances. » Gisèle CALMY.

Pour Marie Thérèse Zerbato-Poudou la distinction entre graphisme, dessin et écritures se pose entre les types de fonctions sollicitées :

Le graphisme (traces lignes, formes, motifs) est le fruit d’une activité perceptive et motrice.

Le dessin s’empare en plus d’une activité symbolique (intention, représentation).

Les écritures convoquent en plus une activité sémiotique.

Longuemare Raffaillac, Marie, graphisme et arts visuels à l’école maternelle

http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/memoires/memoires/2007/a/3/07a3006/07a3006.pdf

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